Discours et communiqués de presse

 

Discours de Christine Albanel prononcé à l’occasion de la remise des insignes de Commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres à Roy Haynes

mardi 31 mars 2009

Cher Roy Haynes

C’est un grand honneur et un grand plaisir pour moi de vous rendre hommage aujourd’hui.
Avec vous, toute l’histoire du jazz est parmi nous, mais également tout son génie et toute sa force vive.

C’est, dites-vous, parce que vous vouliez donner au monde tout ce que vous avez dans le ventre que vous avez choisi la batterie.
En faisant ce choix, vous avez fait au monde un bien beau cadeau : celui des pages les plus impressionnantes du jazz, nées de votre talent exceptionnel.

Heureusement pour nous tous, mélomanes ou musiciens, on vous a offert, enfant, une batterie pour que vous arrêtiez de tordre les couteaux et les fourchettes…
De la curiosité enfantine, vous êtes ainsi bientôt passé à la virtuosité et nous avons gagné un batteur de légende.

Tout jeune encore, en 1942, vous débutez sur scène dans le Massachusetts puis à Boston.
Très rapidement, une autre ville vous appelle, la capitale effervescente du jazz : New York. C’est Luis Russel, l’ancien chef d’orchestre de Louis Armstrong, qui vous y fait venir en 1945.

A peine arrivé, vous savez où aller : la 52ème rue, là où, dites-vous, tout le monde jouait, de Billie Holiday à Charlie Parker.

A peine arrivé, vous enchaînez les collaborations avec les plus grands noms du jazz et il me faudrait le souffle de Coltrane pour citer en une seule phrase tous les artistes que vous avez accompagnés…
Lester Young, Charlie Parker, Bud Powell, Miles Davis, Thelonious Monk, Charles Mingus, Sarah Vaughan, Ray Charles, Ella Fitzgerald, Billie Holiday, John Coltrane, Stan Getz, Chick Corea, Pat Metheny et bien d’autres encore… La liste est époustouflante, vous me pardonnerez de n’en avoir pas cité tous les noms.

L’essentiel, d’ailleurs, est peut-être plutôt dans ce que vous dites à propos de ces collaborations : vous les voyez comme une affaire de spontanéité, de « feeling », une simple question humaine finalement.
Comme avec Sarah Vaughan, la « divine » et « votre préférée », selon vos mots, que vous accompagnerez durant 5 ans.
Comme avec Billie Holiday, également, mais un peu différemment : lorsque vous l’accompagnez durant la dernière année de sa vie, vous vous sentez devant elle comme un gamin devant l’idole de sa jeunesse, en extase, presque amoureux.