Intervention de Véronique Cayla Directrice générale du CNC

Cocktail CNC – Bilan 2007

Majestic - Cannes - mardi 20 mai 2008

Madame la Ministre,
Monsieur le Président, Cher Gilles,
Chers amis,

Je suis très heureuse de vous recevoir à ce cocktail du CNC qui ponctue tous les ans notre calendrier cannois. Merci d’avoir pris un peu de votre temps que je sais précieux et comme d’habitude, je vous promets d’être brève.

Pour commencer, quelques éléments saillants du bilan 2007. Fréquentation en léger repli ; part de marché du film français bien inférieure au résultat historique de 2006, mais toutefois supérieure à la moyenne observée sur les dernières années. Cela dit, le marché reste très dynamique : Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder les chiffres de fréquentation, enthousiasmants je dois dire, au cours des 4 premiers mois de l’année 2008 : hausse de plus de 20% par rapport à l’année dernière, un mois de mars historique à 26 millions de spectateurs, du jamais vu depuis que le CNC tient des statistiques, et un film « Bienvenue chez les ch’tis » - merci Dany Boon - qui bat tous les records!
Nous verrons l’impact de ce succès sur la concentration des entrées en fin d’année, mais il faut savoir que l’année dernière cette concentration a de nouveau diminué. Mouvement « lent », mais qui se confirme d’année en année ; la part de marché des 100 premiers films est en baisse régulière depuis 1997. Par ailleurs, la tendance préoccupante à l’augmentation du nombre des sorties de films inédits, s’inverse pour la première fois en 2007.

Quant à la production française, les indicateurs sont indéniablement positifs.

En 2007, ce sont 228 films qui ont été agréés, dont 185 films d’initiative française, retrouvant quasiment le plus haut niveau de 2005. Mais cette abondance de la production française s’accompagne, cette fois-ci, d’un meilleur financement des films, ce qui n’était pas le cas en 2005 – les films français ont en effet franchi, en 2007, la barre du milliard d’euros d’investissement.
Ce dynamisme ne se fait pas au détriment de la diversité puisqu’au contraire, la hausse des investissements profite à l’ensemble des catégories de films, et notamment aux films à budget moyen, situé entre 4 et 7 millions d’euros, dont l’importance pour la bonne santé de notre cinéma a été soulignée par Pascale Ferran. Alors, si l’accroissement des films dits « du milieu » est significatif, il est bien sûr trop tôt pour y voir une évolution de fond, mais c’est, en tous les cas, une évolution encourageante, que nous devons absolument consolider. Important aussi de noter la progression des montants investis par les distributeurs salles et par les exportateurs. C’est la marque d’une confiance dans la production à venir.

Relevons enfin que 42 % des films agréés sont des coproductions avec plus de 30 pays étrangers. Et je suis heureuse que notre Ministre de la Culture ait pu, enfin, signer cette année un accord de coproduction avec l’Algérie, seul pays du Maghreb avec lequel nous n’en avions pas.

Je veux souligner une fois encore, ici à Cannes, temple du brassage culturel et symbole d’un 7ème art solidement arrimé à la diversité, que le dynamisme des producteurs, des distributeurs et des exportateurs français se traduit aussi dans la découverte des talents étrangers. Une implication des professionnels qui démontre l’efficacité de la politique de coopération mise en œuvre par la France. Cette ouverture à toutes les expressions artistiques de notre monde, grâce à nos accords de coproductions, nous avons aussi su la transposer et l’intégrer à nos mécanismes de soutien, avec l’aide aux films en langue étrangère, et avec le Fonds Sud dont je veux saluer le nouveau Président, Mahamat Haroun Saleh, qui tiendra prochainement sa première réunion. Je me réjouis d’ailleurs que ces films étrangers soutenus par le CNC, figurent encore cette année en bonne place dans les différentes sélections.

Lors de la journée de l’Europe organisée hier, la Commissaire européenne Viviane Reding a présenté la réflexion en cours, sur une politique de coopération audiovisuelle et cinématographique, de l’Union Européenne avec les pays tiers. Je ne doute pas que l’expérience accumulée par la France avec le Fonds Sud, et celle d'autres Etats européens constituent une source d’inspiration et un socle utile au développement des initiatives communautaires.

On le voit donc, le marché se porte plutôt bien et lorsque le marché se porte bien, le rôle correctif, le rôle de contrepoids du CNC doit se renforcer.

C’est pourquoi, nous continuerons en 2008 ce que nous avons entamé en 2007.
D’abord et toujours, encourager la création, avec la poursuite des réformes des aides à l’écriture et au développement. Réévaluation des montants d’aides mais aussi instauration, dans l’aide à l’écriture, d’un collège spécial pour les premiers projets, ou encore extension du bonus de 25 %, dans le soutien automatique producteur, en cas de réinvestissement dans le développement.

Encourager la création c’est aussi conforter la dimension artistique des projets, grâce à l’augmentation de l’avance sur recettes. Je me réjouis d’observer que l’ensemble des films en langue française au sein de la compétition officielle, ont été soutenus par l’avance sur recettes. Je veux féliciter leurs auteurs et leurs producteurs. Je vois dans ces sélections un encouragement à continuer notre effort en faveur de la création, grâce à l’avance sur recettes bien sûr, mais aussi grâce à l’ensemble des aides sélectives du CNC qui concernent également de nombreux films ici à Cannes.
Je veux rendre hommage aux membres et aux présidents de commissions d’aides sélectives, Georges Goldenstern, Serge July, Pierre Chevalier qui a succédé à Claude Durand, Marc Tessier, pour la pertinence de leurs choix. Tous consacrent leur temps et leur talent à ce travail délicat en faveur de la création.

Encourager la création c’est aussi accompagner la prise de risque des créateurs, dans l’exploration de nouveaux formats et l’utilisation de nouveaux médias. J’avais ici même, l’an dernier, salué l’arrivée des nouveaux contributeurs au compte de soutien que sont notamment les fournisseurs d’accès internet. Cette réforme, qui est entrée en vigueur depuis le mois de janvier dernier, est fondamentale, elle a ouvert la voie à une nouvelle ère de création et de régulation.
J’avais également évoqué l’opération pilote que nous lancions pour soutenir la conception de projets dédiés aux nouveaux médias – Eh bien, nous venons de reconduire et d’étendre cette expérimentation de façon à aider des projets conçus spécifiquement pour internet, pour les mobiles – Ces actions constituent pour les acteurs du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia, un véritable vivier en termes de créativité.

Nous avons désormais un système de soutien qui est en phase avec les évolutions technologiques, et résolument tourné vers l’avenir.

Parallèlement, conscients que le développement des offres « délinéarisées » est une mutation fondamentale dans la diffusion des œuvres, nous avons mis en place un dispositif de soutien pour la VOD, afin de favoriser l’exposition des œuvres européennes, et la diversité de l’offre sur les différentes plates-formes. L’offre légale doit s’installer durablement au sein de notre paysage audiovisuel.
Le projet de loi « Création internet », dont notre Ministre nous dira certainement quelques mots, trace la feuille de route. Le projet de loi doit être déposé prochainement au Parlement, et le CNC réunira l’ensemble des interlocuteurs sur la chronologie des médias, pour fixer l’agenda et les thèmes de discussion de cette nouvelle négociation. Il faut trouver le juste équilibre pour que ce nouveau mode d’accès aux œuvres se développe, et en même temps veiller aux exploitations préexistantes ; je pense, bien sûr, aux salles, mais aussi aux éditeurs vidéo qui participent activement au financement et à la diffusion des œuvres françaises et européennes.

Autre chantier essentiel initié en 2007, et qui va connaître de nouveaux développements cette année, c’est bien entendu la projection numérique en salles, en particulier son modèle économique.


Le groupe de travail présidé par Philippe Levrier m’a remis un rapport fin avril qui nous permet d’évaluer les besoins de financements, en fonction de différentes hypothèses de conversion du parc. Je veux remercier Philippe Levrier pour son énergie et le travail qu’il a fourni, et également l’ensemble des exploitants et des distributeurs qui ont participé, je dois dire, très activement à ces travaux. Je me réjouis d’ailleurs que les collectivités locales, et les régions en particulier, aient accueilli de manière constructive ce rapport et je salue leur volonté de s’impliquer dans l’équipement numérique des salles. D’ici la fin de l’année, nous devrions être en mesure de proposer des solutions concrètes, à la fois financières et règlementaires, afin que la projection numérique puisse bénéficier à toutes les catégories de salles, sans exception.

C’est la même logique d’anticipation qui anime le CNC en matière de production en relief. C’est un sujet presque aussi vieux que le cinéma certes, mais la diffusion à grande échelle des technologies de projection numérique en salle, en fait désormais une réalité concrète. Les questions techniques sont encore nombreuses, et le relief ne se marie pas avec tous les genres ni toutes les histoires.

Mais il ne faut pas laisser cette nouvelle façon d’écrire et de réaliser, qui semble susciter une réelle appétence chez les spectateurs, aux seuls studios américains. Je crois donc essentiel que les professionnels du cinéma puissent se saisir de ce sujet, et le CNC est prêt à favoriser une concertation entre les artistes, les producteurs et les prestataires techniques, et donc à privilégier le relief dans le cadre de ses dispositifs d’aide sélective.


La projection numérique en salle aura un fort impact sur la filière du cinéma. Elle va notamment toucher les industries techniques, qui sont par ailleurs confrontées à de multiples défis, alors même que leur rôle dans le maintien de la diversité de la création, est essentiel. Je tiens ici à les assurer que le CNC est attentif à leurs préoccupations et souhaite qu’un dialogue constructif perdure.

La révolution numérique et l’intensification de la concurrence promettent de nouveaux défis à notre politique de régulation, et en premier lieu sur le marché de la diffusion. Les politiques tarifaires, les formules d’abonnement illimitées, la complémentarité entre salles publiques et privées, ou encore les engagements en matière de programmation – sont des sujets clés pour l’avenir de la diversité du cinéma en salles.

Un grand nombre de rapports et d’études ont été publiés ces derniers mois. Ils sont indispensables, pour disposer de bases objectives et factuelles, afin d’éclairer les professionnels et les pouvoirs publics et nourrir notre réflexion commune. C’est l’objet du rapport fondamental « droit du cinéma et droit de la concurrence » que la Ministre de la culture et la Ministre de l’économie ont confié à Mme Anne Perrot et M.Jean-Pierre Leclerc, et dont les conclusions viennent d’être publiées. Ce rapport, tout en posant l’utilité de l’application des règles de concurrence dans le champ du cinéma, reconnaît aussi la nécessité de le considérer parfois comme une « enclave culturelle », avec ses particularités, et réaffirme, ainsi, la légitimité d’une politique culturelle aux objectifs spécifiques.
Les professionnels expriment très unanimement leur souhait de voir creuser les pistes ouvertes par ce rapport, notamment pour réguler les pratiques tarifaires. Mais il faudrait tout d’abord que les professionnels conduisent leur propre expertise de ces différentes pistes proposées par le rapport, pour que nous puissions ensuite utilement nous mettre autour de la table. Et je crois que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est urgent de le faire.

Autre axe de travail qui va s’ouvrir également après Cannes, il concerne le rapport publié par le Club des Treize sous la direction de Pascale Ferran. Ce groupe de professionnels a procédé de lui-même à un examen approfondi et transversal de toutes les étapes de la vie d’un film et il a publié un document précis, complet et constructif. Celui-ci offre à la fois une analyse et des propositions sur les difficultés que peuvent rencontrer les films, notamment à budget moyen, qui prennent un risque artistique, difficultés qu’ils rencontrent depuis leur écriture jusqu’à leur exportation.
La Ministre de la culture nous a chargés de procéder à une expertise des réformes qui pourraient être mises en œuvre et d’en mesurer l’impact. Nous allons donc, dès le retour de Cannes, organiser une concertation sur les propositions du club des treize avec les professionnels concernés. Nous devons en effet absolument continuer à améliorer les mécanismes de soutien du CNC et prolonger la dynamique instaurée par le club des 13 afin de pouvoir, mieux encore, accompagner le travail de chacun et particulièrement des indépendants les plus créatifs.

Plusieurs études et missions que nous lançons viendront aussi converger sur certaines des questions abordées par le club des treize.

Nous allons dresser très prochainement un bilan détaillé des évolutions qui ont été apportées, depuis deux ans, aux mécanismes de l’art et essai, pour affirmer plus nettement sa spécificité. Le premier classement des salles, avec les nouveaux critères qui accordent davantage d’importance à la diversité de la programmation ou aux actions d’animation, vient d’être effectué. Ses effets doivent être mesurés. Quant à la recommandation des films, l’impact est d’ores et déjà manifeste : on ne compte, en 2007, que deux films art et essai parmi ceux qui sont tirés sur plus de 300 copies, alors qu’ils étaient en 2005 au nombre de 18.

Par ailleurs, j’ai demandé à Roland Husson, le nouveau Directeur des affaires internationales et européennes du CNC, de réfléchir à une réforme de notre système d’aides à l’exportation, qui présente un certain nombre d’insuffisances.

J’ai confié à René Bonnell une mission sur la clarification de l’amortissement des films, et de ses modalités de calcul qui se complexifie, avec la diversification des modes de diffusion des œuvres et des modalités de rémunération des ayants droit. Les professionnels concernés et les pouvoirs publics doivent pouvoir appréhender – c’est indispensable - l’exploitation commerciale d’un film, en se fondant, en toute confiance, sur un socle de références et d’instruments communs.

De même, j’ai chargé Pierre Chevallier, secrétaire général d’Iris Capital, de procéder à l’évaluation des SOFICA, au regard notamment de leurs objectifs en faveur de la production indépendante. Mission qui s’inscrit dans la perspective de l’examen du dispositif par le Parlement à l’automne prochain, et dont les analyses et propositions d’amélioration devront être remises à la mi juillet.

Par ailleurs, nous attendons, comme vous, les conclusions prochaines de la mission que la Ministre de la culture a confiée à Alain Auclaire sur l’action culturelle et qui permettront une meilleure complémentarité des actions de l’Etat au niveau national et local.

Enfin, nous rendrons public prochainement un ensemble d’études sur les aides à la distribution, de façon à dresser un bilan des différents mécanismes, tant sélectifs qu’automatiques, qui lui sont réservés.

Vous le voyez, le travail ne manquera pas ; les enjeux sont à la hauteur des principes qui fondent notre politique du cinéma depuis plus de 60 ans. L’exigence qui est la nôtre, celle de considérer d’abord le cinéma comme un art et non pas seulement comme un divertissement, implique que nous veillions, sans cesse, à ajuster et renouveler nos mécanismes de soutien au bénéfice de la création.
La place importante qu’occupent chaque année les œuvres françaises au sein du plus grand rendez-vous international de cinéma qu’est le festival de Cannes, témoigne de la pertinence de nos missions au service d’un 7e art dont la vitalité, portée par des artistes et des créateurs de talent, ne se dément pas. Mais elle nous rappelle aussi combien nous devons être vigilants pour préserver cette vitalité, notamment dans le monde numérique, et ainsi continuer à accompagner les films les plus exigeants jusqu’au public le plus large.

Toutes les équipes du CNC, Anne DURUPTY et moi-même, nous mettrons tout en œuvre, aux côtés des professionnels, pour relever ce défi majeur, afin que le cinéma demeure cette ambition qui nous est si chère, celle qui nous permet d’appréhender la diversité du monde dans lequel nous vivons.

Celle qui consacre le cinéma comme expression de la liberté, sans être enchaîné aux seules lois du marché.

Celle que le festival de Cannes défend avec vigueur et prestige depuis plus de 60 ans maintenant.

Je veux donc remercier chaleureusement Gilles Jacob et Thierry Frémaux et leur redire toute mon admiration pour leur talent, leur esprit de curiosité et d’ouverture, qui nous permettent de découvrir le cinéma dans toute sa pluralité, et avec elle, la multiplicité des regards sur le monde. Je veux également rendre hommage aux équipes de la Semaine internationale de la critique, ainsi qu’à celles de la Quinzaine des réalisateurs, qui fête cette année ses 40 ans et qui contribuent aussi à porter haut, les couleurs du cinéma, tel que nous le soutenons et tel que nous l’aimons en France et en Europe.