Discours et communiqués de presse

 

Remise de l’album de la Castiglione au musée d’Orsay

mercredi 16 janvier 2008

Monsieur le Président, Cher Charles-Henri Filippi,
Monsieur le Directeur général, Cher Peter Boyles,
Monsieur le Président, Cher Serge Lemoine,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis

Je suis très heureuse d’exprimer, au nom de la France, notre joie de voir cet album exceptionnel de photographies de la Castiglione rejoindre les collections du musée d’Orsay.

C’est un acquis inestimable puisque jusqu’à présent, seulement onze épreuves originales représentant la légendaire Virginia Oldoïni figuraient dans les collections publiques françaises. Cette éblouissante beauté du Second Empire fut pourtant probablement l’une des femmes les plus photographiées de son siècle !

Arrivée à Paris en 1855, la Castiglione, fille du marquis Oldoïni, connut des débuts éclatants dans la haute société parisienne, qu’officieusement elle infiltra dans le but de plaider la cause piémontaise auprès de Napoléon III. Elle en devint furtivement la maîtresse. Comme beaucoup de femmes de la cour, elle se fit photographier par le célèbre atelier Mayer et Pierson. Mais elle prit goût à l’objectif et elle en devint une habituée, choisissant elle-même les poses les plus avantageuses et les mises en scène les plus théâtrales.

Bénissons aujourd’hui son narcissisme fantasque et son imagination débridée, qui ont donné naissance à ces clichés étonnants, véritables tableaux vivants, précieux témoignages tant de la mode et des mœurs de l’époque que des débuts de la photographie.

Le destin de ces clichés est tout aussi extraordinaire que leur genèse. Il est celui du fabuleux pouvoir de fascination qu’a exercé cette femme, même après sa disparition.

Sur Robert de Montesquiou, tout d’abord, qui fut son plus fervent admirateur. Après la mort de la Comtesse, il acheta à l’Hôtel Drouot l'essentiel de ses photographies et quantité de lettres et d'effets personnels. C’est par la monographie qu’il lui a consacrée, La Divine Comtesse, parue en 1913 et préfacée par d'Annunzio, que nous pouvons comprendre aujourd’hui le rôle capital qu’elle a joué dans la réalisation des prises de vue et les avatars des tirages.

La fièvre gagna également Christian Bérard, génial peintre et décorateur, qui acheta plusieurs photographies originales de la Castiglione. En 1930, à la suite d’une nuit sans sommeil chez Cocteau, débordant d’inspiration, il paracheva le mythe en composant cet album que nous pouvons admirer aujourd’hui, ajoutant un texte et trois gouaches.

C’est le chorégraphe Boris Kochno, ancien secrétaire de Diaghilev, qui a raconté cet épisode. Il fut ensuite l’heureux propriétaire de cet album, avant que le photographe Richard Avedon n’en fasse l’acquisition.

Le public a pu admirer cet objet d’exception en 1976 à Marseille, lors d'une manifestation consacrée à Christian Bérard. Mais il n'avait pu être prêté lors de l'exposition organisée pour l'anniversaire de sa mort au musée d'Orsay en 1999, et l’année suivante au Metropolitan Museum de New-York. La rareté de ses apparitions ajoutait encore au mystère du charme sulfureux de son modèle.

Aujourd’hui nous levons le voile sur cette pièce unique, qui vient rejoindre les collections publiques. C’est grâce au mécénat du groupe HSBC, dont je salue le Président et le Directeur général, que ce chef-d’œuvre a pu être acquis par l’Etat, en vertu des dispositions de la loi du 1er août 2003 relative au mécénat et aux fondations et de celles de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.

Ces deux textes ont créé les conditions les plus favorables en Europe à l’entrée dans les collections publiques, grâce au mécénat d’entreprise, d’œuvres reconnues d’intérêt patrimonial majeur. Ces lois ont déjà permis l’enrichissement de nos collections publiques et je souhaite qu’elles soient de mieux en mieux connues par les entreprises et les particuliers.

Je m’attacherai par ailleurs à proposer au cours des prochains mois au Parlement les dernières améliorations qu’elles pourraient nécessiter, particulièrement en vue de stimuler le marché de l’art français.

Ce mécénat est une première, par deux aspects. C'est la première fois tout d’abord qu’un ensemble photographique bénéficie de ces dispositions. Et c’est aussi la première fois que ces dispositions profitent au musée d’Orsay.

Votre groupe innove donc doublement, Monsieur le Président, cher Charles-Henri Filippi, avec cette opération majeure. Elle s’inscrit, ainsi que vous venez de le rappeler, dans une longue tradition de mécénat, à laquelle je tiens à rendre un hommage particulier aujourd’hui.

HSBC France contribue depuis dix ans à l'enrichissement des collections du musée du Louvre en finançant l'acquisition de dessins pour le département des Arts graphiques. En 2005, votre groupe avait ainsi permis l’acquisition d’un chef-d’œuvre de Simon Vouet, La Vierge au rameau de chêne.

Il soutient également la restauration d'œuvres, et je salue notamment sa participation en 2002 à la remise en état du sarcophage extérieur du chancelier Nakhti, notable égyptien de la XIIe dynastie, également conservé au Louvre.

Mais le cœur du mécénat de votre groupe, c’est la photographie. En soutenant depuis 1995 les jeunes talents de la photographie contemporaine, la Fondation HSBC éclaire l’avenir de cet art majeur. Et en permettant aujourd’hui au musée d’Orsay d’acquérir ce chef-d’œuvre, le groupe HSBC France en éclaire les racines et l’histoire.

Je salue ce geste exceptionnel, et je vous remercie de contribuer ainsi à enrichir et à embellir les collections de ce musée qu’on nous envie dans le monde entier, et qui attire des visiteurs toujours plus nombreux et fervents, venus de tous les horizons.

J’aurai donc un plaisir tout particulier à remettre à HSBC dans quelques jours, le 29 janvier, rue de Valois, la distinction de Grand Mécène du ministère de la Culture.

Je ne peux m’empêcher enfin d’avoir une pensée pour la Castiglione, qui n’aurait osé rêver pareil public, et serait sans doute aujourd’hui aux combles de l’enchantement en voyant son œuvre admirée de tous et sa beauté devenir pièce de musée.

photo : Didier Plowy/MCC