Discours et communiqués de presse
Remise des insignes d’Officier dans l’ordre national de la légion d’honneur
à Anne magnant

mardi 6 novembre 2007

Chère Anne Magnant,

C’est un très grand plaisir pour moi de vous honorer aujourd’hui dans ces salons que vous connaissez mieux que quiconque. Vous êtes en effet entrée dans ce ministère dès votre sortie de l’ENA, en 1968, et vous ne l’avez quasiment jamais plus quitté.

Un bref passage de deux ans au Ministère des affaires étrangères au milieu des années soixante-dix : c’est la seule parenthèse d’un parcours entièrement voué à la politique culturelle, sous toutes ses formes, dans tous ses domaines et dans ses plus belles aventures.

L’année 1968 marque la toute fin de l’ère Malraux, qui a offert à cette maison une ambition, un prestige et des missions que vous avez portées dès vos débuts.

La décentralisation culturelle tout d’abord. Vous y contribuez dès votre premier poste à la direction de l’administration générale, en tant que chef du bureau de l’animation et de la programmation régionales.

La transmission, ensuite, lorsque vous êtes affectée, un an plus tard, au service des enseignements des arts plastiques et de l’architecture, puis à la direction de l’architecture.

La diffusion artistique, enfin, qui constituait alors une division dont vous êtes devenue chef en 1976.

Décentralisation, transmission, diffusion : trois piliers – qui n’ont rien perdu de leur actualité – de cette démocratisation culturelle qu’André Malraux, et tous les ministres après lui, ont appelé de leurs vœux. Grâce à ces expériences très larges, vous devenez rapidement experte ès-politiques culturelles, ce qui vous vaut d’être appelée en 1977 auprès du Ministre de la Culture et de l’environnement, Michel d’Ornano, en tant que conseiller technique.

Vous êtes de ces pionniers dont l’enthousiasme et l’intelligence ont inspiré toute l’action et le dynamisme du ministère, dans de très nombreux domaines.

La langue française et la francophonie, notamment. En tant que déléguée générale à la langue française à partir de 1993, vous avez joué un rôle décisif pour le rattachement de cette délégation – alors service du Premier Ministre – au ministère de la Culture. Vous avez également mené des actions exemplaires dans la préparation puis dans la mise en œuvre de la loi sur l’emploi de la langue française. Vos travaux sur la place du français dans les nouvelles technologies et sur le plurilinguisme dans l’Union européenne ont ouvert la voie. Ils ne cessent de nous inspirer aujourd’hui.

Je sais votre attachement à notre langue et à son rayonnement dans le monde entier. Vous l’exprimez aujourd’hui en tant que Présidente du Cercle Richelieu Senghor, véritable tribune de la francophonie. Je salue cet engagement sans faille au service d’une langue dont vous démontrez par votre cercle qu’elle ne se réduit en rien à une grammaire, un vocabulaire et une syntaxe. Elle porte des valeurs, des idées, que vous vous attachez à partager à travers le monde.

Vous avez également contribué de façon éminente à la politique en faveur du patrimoine. Nommée sous-directeur des monuments historiques en 1986, vous donnez l’élan nécessaire à l’extension de la protection des monuments historiques. Vous êtes aussi l’artisan de l’application de la loi-programme sur le patrimoine monumental, et de réformes essentielles, que vous portez avec beaucoup de détermination : sur le statut des architectes en chef des bâtiments civils et des palais nationaux, et sur celui des architectes des bâtiments de France.

En 2001, vous êtes nommée directrice de projet, chargée des métiers d’art. Vous coordonnez les actions en faveur de ces professions hors du commun, qui font l’excellence et le prestige de notre pays.

Jean-Jacques Aillagon sera sensible à votre dévouement et à votre grande expertise. Nommé ministre de la Culture et de la Communication, il vous appelle auprès de lui en tant que conseiller pour le patrimoine. Vous jouez alors un rôle éminent dans la révision de la loi sur l’archéologie préventive et la préparation de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales.

Oui, vous êtes devenue un pilier précieux, indispensable de ce ministère dont vous connaissez tous les enjeux, dans quasiment tous les secteurs. Je n’ai pas en effet eu le temps de citer vos autres hauts faits en tant que sous-directeur de la délégation à la création et aux métiers artistiques et manufactures, sous-directeur à la direction du livre et de la lecture et chef de la mission des affaires européennes.

Combien de hauts fonctionnaires seraient capables – comme vous l’avez fait après votre expérience au cabinet de Jean-Jacques Aillagon – de mener à bien des études de faisabilité sur des sujets aussi divers que le regroupement des châteaux de Compiègne et de Pierrefonds au sein d’un établissement public et la création d’un espace d’interprétation pour le public de la grotte Chauvet, en Ardèche, tout en conduisant, dans le même temps, un jumelage européen de formation de fonctionnaires hongrois sur la circulation des biens culturels ? Le tout avec cette discrétion, cette modestie tant appréciées par tous ceux qui ont eu la chance de travailler à vos côtés.

Votre nomination, en mai 2005, à l’Inspection générale de l’administration des affaires culturelles était donc aussi naturelle qu’amplement méritée. Vous conduisez avec brio des missions d’évaluation et d’audit sur des sujets cruciaux pour le ministère.

Votre dynamisme, votre grande connaissance des milieux artistiques et culturels, votre curiosité immense, qui vous a fait explorer tous les secteurs, ou presque, de ce ministère, ont fait de vous un personnage clé de la rue de Valois. Je veux saluer aujourd’hui un haut serviteur de l’Etat qui a choisi de vouer sa carrière à la culture et aux arts. Je suis infiniment respectueuse et reconnaissante d’un tel choix.

Anne Magnant, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Officier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur.