Réception en l'honneur de la fondation " Architectes de l'urgence"
jeudi 10 juillet 2008
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,


Je suis très heureuse de rendre hommage aujourd’hui à trois acteurs d’une très belle aventure.

Née d’un élan de générosité improvisé face aux catastrophes des inondations dans la Somme en 2001 ; grandie en autodidacte, avec une solide dose d’énergie et de dévouement, pour répondre aux conséquences de l’explosion de l’usine AZF en 2001 et des inondations du Gard l’année suivante ; aguerrie à l’épreuve du tsunami qui a ravagé les côtes d’Asie du Sud-Est et ému le monde entier en décembre 2004, l’association « Architectes de l’urgence », devenue fondation en 2007, a peu à peu déployé ses ailes, développé ses compétences et ses domaines d’intervention, tissé des liens avec des organisations non gouvernementales aux quatre coins de la planète, pour devenir un fantastique réseau de solidarité à travers le monde.

Avec des sections en Australie et au Canada et de nombreux bureaux et représentations dans le monde, votre fondation mène aujourd’hui dix programmes en Afghanistan, dans les îles Salomon, en Indonésie, au Liban, au Pakistan, au Pérou au Sri Lanka et au Tchad. Elle a fait intervenir plus de 1200 architectes et ingénieurs dans 21 pays.

Vos missions : porter assistance aux populations sinistrées, en concevant des habitations temporaires, mais aussi participer à des programmes de réhabilitation plus larges. Bien sûr, il y a l’urgence, les diagnostics et les inventaires des besoins immédiats, la nécessité d’agir vite pour reloger des milliers de familles sinistrées dans des abris décents, mais il y a aussi l’avenir, que vous préparez avec autant d’enthousiasme et d’énergie, en posant des bases solides pour aider la vie à reprendre, l’économie à redémarrer.

L’avenir, ce sont bien sûr les écoles. Je ne peux citer vos très nombreux projets en cours mais je sais que votre fondation réalise en ce moment, aux côtés notamment de l’UNICEF et du Haut Commissariat des Nations Unies, un état des lieux des infrastructures scolaires dans les 12 camps de réfugiés de l’Est du Tchad.

L’avenir, c’est aussi la reconstruction de l’outil économique local. A Sigli, en Indonésie, vous avez réalisé un important programme de reconstruction de plus de cinq cent maisons, mais vous avez aussi réhabilité un centre commercial et créé de nouvelles infrastructures portuaires, pour aider les pêcheurs à reprendre leurs activités.

L’avenir, ce sont des bâtiments durables, c’est le souci de prendre en compte tous les facteurs – en plus du facteur risque –, les facteurs culturels, sociaux, économiques qui conditionnent la vie dans une ville, dans un pays, pour concevoir des constructions pérennes, adaptées et harmonieuses. Construire dans des situations de crise sans pour autant sacrifier la qualité architecturale, tel est le défi éminemment complexe que relève aujourd’hui la fondation, qui a reçu en 2005 le « IFI Award pour la qualité du design au service de l’humanitaire ».

L’avenir, c’est enfin la transmission de vos compétences. La construction de l’école pour filles que vous avez inaugurée dans le village de Bheri, au Pakistan, ravagé par le séisme d’octobre 2005, est à cet égard exemplaire. Pour réaliser ce modèle de construction parasismique et écologique de qualité, vous avez en effet impliqué étroitement des architectes locaux.

En France, vous êtes à la fois des passeurs de compétences et de vocations. La Fondation anime en effet un programme d’enseignement à l’école d’architecture de Paris-Belleville et contribue également à la formation des professionnels, en lien avec l’Ordre des architectes.

La Fondation « Architectes de l’urgence » a inventé un nouveau domaine d’intervention, une nouvelle discipline. Elle a inventé une nouvelle façon de concevoir l’architecture. Elle a ainsi réaffirmé le rôle clé de l’architecte, un rôle de synthèse, au croisement de toutes les problématiques liées au développement durable et au cœur de l’action humanitaire.

Je suis très heureuse de saluer aujourd’hui votre engagement total, exemplaire, au service de ceux qui ont tout perdu. Un engagement complémentaire, pour tous les trois, à votre profession d’architecte que vous exercez avec talent.

Chère Catherine Charles-Couderc,

Vous êtes l’une des pionnières de cette fondation. Membre du conseil d’administration, trésorière depuis 2007, vous avez participé à de très nombreuses missions. Vous étiez présente dès 2001, pour assister les sinistrés de l’explosion de l’usine AZF. Dès l’année suivante, vous étiez au chevet des habitants de Facaeni, en Roumanie, qui avaient vu leur village dévasté par une tornade. Vous avez également apporté votre expertise après les inondations qui ont frappé le Gard en 2002 et en 2003, ainsi que l’Hérault et les Bouches du Rhône.

En 2005, vous avez piloté une mission de la Fondation au Sri-Lanka : à Muthur, vous avez coordonné la reconstruction de 120 maisons, ainsi que de petits bâtiments de pêche et de fabriques de glace.

Cet engagement certainement chronophage au sein de la fondation ne vous a pourtant pas empêchée de vous investir avec énergie pour votre profession : vous êtes en effet présidente du Syndicat des architectes de l’Aveyron depuis 2000 et membre de la commission paritaire régionale des entreprises d’architecture depuis 2005.

Vous êtes une femme d’engagement et de conviction, qui porte haut les valeurs de sa profession.

Catherine Charles-Couderc, au nom de la République française, nous vous faisons Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Cher Dominique Druenne,

Vous avez dédié votre carrière au logement social neuf ou réhabilité, privilégiant la concertation, l’écoute, le dialogue avec les habitants. Des qualités précieuses pour votre action au sein de la fondation, dont vous avez été vous aussi membre du conseil d’administration pendant quatre ans.

Architecte de l’urgence, vous êtes aussi un éveilleur de consciences. Enseignant pendant plus de vingt ans à l’école d’architecture UP8, puis à Paris-Belleville depuis près de quinze ans, vous avez choisi de mettre à profit votre expérience au sein de la Fondation pour faire connaître cette discipline encore méconnue à vos étudiants.

Un an après le séisme de Bourmerdès en Algérie, où vous avez participé à une mission pour le compte de la fondation, vous avez organisé un voyage d’étude pour faire comprendre à vos élèves la réalité d’une intervention en situation de crise. Directeur pédagogique du Diplômes de spécialisation et d’approfondissement en architecture « Architecture et risques majeurs » depuis 2005, vous avez poursuivi ce mode d’apprentissage en organisant de nouveaux voyages d’études à la Guadeloupe et au Pérou.

Je ne doute pas que vous ferez naître de nombreuses vocations à Paris-Belleville. Patrick Coulombel, aujourd’hui Président de la fondation, n’a-t-il pas été votre élève sur les bancs d’UP8 ?

Dominique Druenne, au nom de la République française, nous vous faisons Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Cher Yves Justin,

Vous avez, vous aussi, vécu les premières heures de la fondation, prêtant votre riche expérience d’architecte spécialisé dans les formes urbaines, l’architecture et les territoires en Méditerranée aux sinistrés des inondations du Gard et des Bouches-du-Rhône. Vous faisiez également partie de l’équipe dépêchée à Boumerdès, ainsi que de celle partie secourir les victimes du tsunami au Sri Lanka.

Vous êtes de toutes les missions : à Madagascar, en 2004, après le passage du cyclone Gafilo, vous avez participé à l’état des lieux et proposé des perspectives pour la reconstruction. En Thaïlande en 2005 après le passage du tsunami, vous avez apporté votre aide pour rechercher les victimes sur le site de l’hôtel Sofitel de Pucket. En 2007, après le séisme qui a frappé le Cachemire, vous êtes intervenu pour la mise en sécurité des populations, pour dresser un diagnostic de la situation et pour former les architectes sur place. La même année, vous étiez au Pérou, pour répondre aux mêmes urgences après le passage du séisme.

Je rends hommage aujourd’hui à un architecte aussi talentueux que généreux, toujours prêt à tendre la main.

Yves Justin, au nom de la République française, nous vous faisons Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Catherine Charles-Couderc,Dominique Druenne, Yves Justin, et Christine Albanel
photo : Farida Bréchemier/MCC