Discours et communiqués de presse

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Discours de Jean-Jacques Aillagon lors des remises de décorations à Mme Misa Watanabe, Mssrs Gilles Bressand, Emmanuel de Buretel, Peter Gabriel, Zoltan Kocsis et Eric Tanguy
26 janvier 2004


Gilles Bressand, Zoltan Kocsis, Emmanuel de Buretel, Misa Watanabe, Jean-Jacques Aillagon et Eric Tanguy

Chère Madame,

En vous recevant, le MIDEM met l'industrie phonographique japonaise à l'honneur. Il rend également un bien juste hommage à votre exceptionnel parcours.

A l'heure où les industries musicales traversent des bouleversements, votre œuvre adresse, chère Misa Watanabe, un précieux message, dont l'inspiration vient à la fois d'un pays ami, le Japon, et d'une rare personnalité, la vôtre, qui a consacré sa vie, son talent et sa créativité à la musique et aux musiciens. Cette impression d'équilibre, de force et de plénitude qui émane de votre œuvre n'est est en effet pas sans évoquer les traits d'une culture japonaise que nous admirons.

Avec Watanabe Music Publishing, vous êtes la première à défendre le copyright pour les artistes enregistrant au Japon.

Aujourd'hui, chère Misa Watanabe, il n'est guère d'instances musicales dans votre pays dont vous ne soyez Présidente, Conseillère, Membre exécutif ou Administratrice, illustrant la place de référence et de véritable magistrature morale que vous avez su gagner auprès du milieu musical international. Ici même, au Midem, en 1992, vous avez été reconnue et primée comme l'une des vingt personnalités internationales les plus remarquables de l'industrie de la musique.

A mon tour, je salue avec amitié et admiration votre courage et votre engagement dans la défense du droit des artistes.

J'ai le plaisir et la fierté, au nom de la République, de vous faire, chère Misa Watanabe, Officier dans l'Ordre des Arts et des Lettres.

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Cher Gilles Bressand,

Surdoué, séducteur, jouant Chopin, admirant Samson François et lisant Albert Cohen, passionné de littérature et docteur en droit à 26 ans, vous auriez pu, avec autant de cordes à votre arc, vous lancer, sur bien d'autres voies. Mais vous avez fait, pour le plus grand bonheur des artistes que vous soutenez, des industries que vous défendez, du public également, un tout autre choix. Celui de la musique.

Votre label, lancé avec votre frère d'armes Laurent Dreux-Leblanc, dans l'enthousiasme et, dit-on, " dans un deux-pièces-cuisine ", s'est audacieusement illustré avec des artistes aussi prestigieux que Ray Charles, Michel Legrand, avec des genres divers, rap, rock, metal, pop, techno. Ce label fait partie du Groupe XIII Bis qui a développé, sous votre impulsion, une activité particulièrement créative dans les domaines de l'image et du son, de la vidéo et du cinéma.

Votre élection à la tête du SNEP, souvent considéré comme le " club des majors ", crée une situation nouvelle. Vous êtes en effet le premier Président de sa déjà longue histoire, qui soit également responsable d'un label indépendant.

Je souhaite ainsi saluer ici les efforts que vous déployez, avec d'autres personnalités, pour rapprocher les points de vue entre syndicats, pour mieux affronter ensemble, les défis qui se présentent à vous.

Le Syndicat National de l'Edition Phonographique est pour mon ministère un interlocuteur majeur, comme l'est par ailleurs l'UPFI, et je souhaite m'appuyer sur cette représentation collective des intérêts de la filière discographique pour développer une politique nouvelle en faveur de la musique.

Pour l'ensemble de votre carrière au service de la musique, j'ai le plaisir, cher Gilles Bressand, au nom de la République, de vous faire Chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres.

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Cher Zoltan Kocsis,

Certains parlent de votre " génie ". D'autres évoquent le " miracle de votre toucher ". D'autres encore soulignent " la multiplicité de vos talents ". Permettez-moi de vous reconnaître simplement comme un " musicien " qui, au-delà de toutes les techniques, cherche à exprimer, jour après jour, la vérité contenue dans la musique, une vérité qui va bien au-delà de l'exactitude du phrasé ou des nuances, une vérité qui confine au mystère.

En 1970, vous obtenez le 1er Prix " Beethoven ", concours organisé par la radio hongroise. Trois ans plus tard, on vous décerne le Prix Franz Liszt pour vos succès tant en Hongrie qu'à l'étranger, car votre carrière internationale est déjà bien lancée. On vous dit alors " Un tel virtuose du piano n'apparaît dans le monde qu'une fois tous les 25 ans ! ".

Depuis trente ans, en effet, votre carrière est impressionnante. Vous avez joué avec les plus prestigieux orchestres du monde, sous la direction des plus grands chefs, Claudio Abbado, Kurt Masur, et beaucoup d'autres.

Votre répertoire est vaste. Béla Bartok y est à l'honneur.

Vous êtes aussi compositeur : votre œuvre pour orchestre " Tchernobill " a été acclamée. Directeur de l'Orchestre Philharmonique national de Hongrie, vous êtes par ailleurs venu fréquemment en France, pour notre grand bonheur.

Pour tant de services rendus à la musique, je vous fais, au nom de la République, cher Zoltan Kocsis, Chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres.

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Cher Eric Tanguy,

Votre vie a un seul maître mot, elle a un seul guide : la musique. Grâce à vos dispositions naturelles, grâce à votre exigence, grâce également au soutien de vos proches, vous avez su apprivoiser, approfondir et accomplir pleinement votre vocation.

Vous découvrez, dès l'age de 15 ans, l'œuvre d'Ivo Malec. Sous le charme de son écriture, vous liez alors irrévocablement votre sort à celui de la composition.

Après le Conservatoire de Paris, vous êtes bientôt reconnu à Darmstadt, haut lieu de la musique contemporaine en Allemagne. Dès juillet 1995, Henri Dutilleux vous introduit au Tanglewood Music Center, nouveau signe de reconnaissance, je dirais même de consécration.

Pensionnaire à la Villa Médicis, entre 1993 et 1994, vous attirez l'attention de nombre d'interprètes.

Parmi les nombreux succès qui marquent votre carrière, j'en signalerai deux, les sept miniatures pour piano, dédiées aux élèves de l'Ecole Nationale de Musique de Chartres, et votre deuxième Concerto pour violon, joué pour la première fois par l'Orchestre de Paris, en 1997.

En 2000, c'est Mstislav Rostropovitch qui crée votre deuxième concerto pour violoncelle.

En 2002, c'est au Lincoln center de New-York qu'est créée votre pièce symphonique " In Canto ", par l'Orchestre de Bretagne.

Vous avez en chantier un troisième concerto pour violon qui vous a été commandé par Myung Wung Chung et l'Orchestre philharmonique de Radio France qui sera joué pour Renaud Capuçon. Vous avez également le projet de créer un opéra.

Malgré la densité de votre parcours de compositeur, car vous n'avez que 35 ans, vous avez trouvé le temps de créer, il y a trois ans, le label discographique " Intrada ", qui œuvre en faveur de la promotion des jeunes solistes français.

C'est à votre dynamisme, à votre passion, et surtout à votre talent de créateur, que la République marque aujourd'hui sa reconnaissance.

Cher Eric Tanguy, au nom de la République, je vous fais chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres.

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Cher Emmanuel de Buretel,

Vous êtes de ceux dont l'engagement au service de la musique, de ses artistes, de son industrie, est total et n'a jamais fléchi. Sans doute peut-on parler de vocation puisque, jeune étudiant au MIT, Massachussets Institute of Technology, au début des années 80, vous vous plaisez déjà à organiser des concerts dont les invités n'étaient autres que les prestigieux The Cure, U 2 ou encore Sade.

Rejoignant Virgin Music en 1986, vous empruntez rapidement le chemin du succès, entraînant à votre suite des artistes qui trouveront tout naturellement leur place en haut de l'affiche. Vous signez ainsi Etienne Daho, la Mano Negra, les Rita Mitsouko, Jean-Louis Murat, Cheb Khaled, IAM. D'emblée vous devenez un des plus grands éditeurs de musique.

A l'affût de talents et de personnalités originales, aux avant-postes de la création, vous lancez en 1990 le tout premier label français de Virgin, Delabel. Il s'illustre aussitôt avec les noms les plus brillants et les plus innovants de la jeune scène française : Daft Punk, AIR, Louise Attaque, Minister Amer, Cheb Mami, Zebda, Benjamin Biolay.

Pendant que vous dirigez Virgin France, de 1993 à 1998, la place de cette entreprise sur le marché du disque fait un bond prodigieux, qui tient notamment à votre choix de persévérance dans le développement, dans la durée, des carrières de vos artistes, qualité devenue rare, et qui pourtant est la clé du succès.

Vous poursuivez une ascension qui vous conduit de Paris à Londres où vous présidez une nouvelle entité, Virgin Continental Europe, doté d'un catalogue d'artistes européens qui va de Manu Chao pour la France, à Axelle Red en Belgique, et renforce de façon spectaculaire sa place sur le marché international.

A cette même époque, vous devenez le Président du Bureau Export de la musique française et du French Music Office basé à Los Angeles. Vous participez au développement de cet organisme d'intérêt général désormais reconnu par les professionnels comme un outil indispensable d'accompagnement de la diffusion de la musique française sur les marchés internationaux.

Depuis janvier 2002, vous êtes nommé Président Directeur Général de " EMI Recorded Music Continental Europe ", et avez également la haute main sur les opérations internationales de la société, en Afrique et au Moyen Orient, ainsi que sur un vaste catalogue d'artistes européens qui, sur le continent, rayonnent au-delà de leurs frontières nationales : Vasco Rossi ou Tiziano Ferro pour l'Italie, Saybia pour le Danemark, Air, Daft Punk ou Phoenix pour la France : on ne peut malheureusement tous les citer.

Cher Emmanuel de Buretel, au delà de l'entrepreneur et de l'ami des artistes, je souhaite aussi saluer aujourd'hui la conviction avec laquelle vous mettez votre talent et votre expérience au service de la cause de la diversité musicale et de la défense des industries phonographiques françaises et européennes.

Vous avez su en effet vous mobiliser rapidement, avec une rare énergie, en faveur de la défense des droits des artistes et des producteurs, contre le piratage et la contrefaçon, et pour la baisse de la TVA, trois combats que j'ai souhaité partager et promouvoir dès mon arrivée à ce Gouvernement.

Vous vous attachez également à améliorer les relations entre les structures qui fédèrent les professionnels. Je pense bien sûr à l'IFPI et au GERA, c'est-à-dire les producteurs et les distributeurs, ainsi qu'à l'amélioration des collaborations entre les entreprises indépendantes réunies au sein d'IMPALA et les majors du disque, car quelle que soit votre position, vous êtes et vous restez, dans l'âme, un indépendant.

Pour toutes ces raisons, Emmanuel de Buretel, pour notre attachement commun et votre dévouement personnel à la musique, j'ai le plaisir et la fierté, au nom de la République, de vous faire Chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres.

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Cher Peter Gabriel,

Peter Gabriel et Jean-Jacques Aillagon

En vous rendant hommage aujourd'hui, je souhaite saluer tout ce que la musique sait offrir d'engagement, de générosité, de talent et d'ouverture.

Vous avez su déployer une formidable énergie, tout au long de votre carrière, de vos carrières devrais-je dire, car c'est le musicien mais aussi l'écrivain, le poète, le réalisateur et le producteur que nous accueillons aujourd'hui.

Chacun connaît ici votre parcours, mais c'est un plaisir de le rappeler. Je veux citer, de vos débuts, le groupe Genesis, né d'un rêve de collégiens. Vous étiez cinq : vous au chant, Tony Banks aux claviers, Mike Rutherford à la basse, Anthony Phillips à la guitare et Chris Stewart à la batterie, remplacé ensuite par John Silver puis John Mayhew. Vous serez plus tard rejoints par Steve Hackett et par un nouveau batteur, Phil Collins.

Ce sont ces envies résolues de quelques personnalités fortes qui font les plus grandes aventures. Vous en avez montré l'exemple. On se souvient, dans les années 70, de vos plus importants succès : "Nursery Crime", "Foxtrot" en 72, "Genesis Live" en 73. Viennent ensuite "Selling England By The Pound" en 73 et "The Lamb Lies Down On Broadway" en 75, que vous êtes d'ailleurs venu présenter au public français, à Saint-Etienne.

Après Genesis, c'est dans une carrière en solo que vous vous lancez. Et votre talent se confirme. "Solsbury Hill", "DIY", "On The Air" et surtout "Games Without Frontiers" sont restés depuis dans les mémoires.

Vous montrez votre sensibilité aux luttes de votre temps avec le titre "Biko", en hommage à l'activiste africain, Steven Biko, assassiné en 77 alors qu'il s'opposait à l'apartheid.

Pour vous, les années 80 seront celles du WOMAD comme World Of Music, Art and Dance festival. Avec ce projet humaniste vous développez des passerelles entre le nord et le sud et réservez une place nouvelle aux métissages et aux échanges.

Vous multipliez ensuite les succès artistiques et commerciaux. "So" est le premier d'entre eux et le titre "Sledgehammer" est resté le plus connu. Vous travaillez ensuite pour le cinéma, avec Martin Scorsese, vous chantez en duo avec Youssou N'Dour, pour "Shaking The Tree". Vos albums " Us " puis " Up " sont suivis chacun d'une tournée mondiale accompagnée de mises en scène grandioses de Robert Lepage.

Derrière Peter Gabriel l'artiste, Peter le producteur n'est jamais loin, et de votre action débordante, foisonnante, je veux tout particulièrement citer la création de votre label Realworld, à travers lequel vous défendez et faites connaître depuis une quinzaine d'années les musiques et les artistes du monde. Je pense par exemple à Youssou N'dour, Geoffrey Oriema ou Sheila Shandra.

Vous êtes enfin un homme de vision et d'avenir. Vous l'avez prouvé en vous investissant, depuis plusieurs années, dans l'aventure numérique. Loin de considérer les nouvelles technologies de communication comme une menace ou un risque, vous avez vu dans le numérique une possibilité offerte de mieux communiquer, de mieux partager la musique et la culture, une opportunité aussi pour le développement des industries de la musique.

Je veux ainsi dire tout l'intérêt que je porte à la plate-forme européenne "OD2" (On Demand Distribution), que vous avez fondée en 2000. Ce projet précurseur a dessiné une voie audacieuse, celle de la musique en ligne, légale, une voie empruntée depuis par d'autres.

Je veux croire à l'implication de tous, artistes, producteurs et diffuseurs dans le développement de ces formes nouvelles de distribution de musique dont vous nous offrez un si bel exemple. Elles tracent des chemins prometteurs pour le développement de la musique, pour ses acteurs, pour ses publics, et permettent de sortir par le haut du débat sur le peer to peer et la contrefaçon.

Pour toutes ces raisons j'ai le plaisir et l'immense fierté, cher Peter Gabriel, au nom de la République, de vous faire Chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres.


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