Discours et communiqués de presse
Ouverture de la Réunion du Conseil national des Professions du Spectacle
4 septembre 2003

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Dossier intermittents

Mesdames, Messieurs,

Lors de la dernière réunion du CNPS, je vous avais indiqué l'importance que j'attachais à cette instance comme cadre du dialogue entre les pouvoirs publics et l'ensemble des organisations représentatives des professions du spectacle, de l'audiovisuel et du cinéma.

J'ai, pour cette raison, souhaité vous réunir très rapidement de façon à ce que nous puissions débattre de la situation résultant de l'application du nouvel accord UNEDIC.

Le 18 février dernier, nous évoquions la menace qui pesait sur l'existence même d'un régime spécifique d'assurance chômage pour les travailleurs du secteur. Je vous confirmais, alors, que le gouvernement s'opposerait résolument à tout projet de réforme du régime d'assurance chômage spécifique aux artistes et techniciens visant à sa suppression ou à son extraction du cadre de la solidarité interprofessionnelle ou encore qui conduirait à modifier substantiellement les conditions de la création dans notre pays . C'est la ligne que François Fillon et moi-même avons tenue. Je vous rappelle notamment ma déclaration du 22 mai dernier qui a conclu une journée de consultation de l'ensemble des organisations représentées au sein de l'UNEDIC.

L'accord du 26 juin modifié le 8 juillet donne, à cet égard, satisfaction même si, nous le savons, il renvoie aussi à d'autres questions.

1. L'accord du 26 juin

S'il resserre l'entrée dans le dispositif en exigeant l'accomplissement de l'intégralité des heures dans le champ professionnel, le nouveau système comporte des améliorations en liant durée du travail et niveau d'indemnisation. Il intègre des points nouveaux et favorables aux salariés tels que la réduction de la franchise, la fin de la dégressivité de l'allocation, la création d'un montant minimal d'allocation supérieure à celle servie dans le régime général, la compatibilité avec d'autres activités pendant la période d'indemnisation…

Cet accord a cependant suscité de vives critiques. Il a été accusé de faire reposer les économies recherchées sur les plus fragiles des bénéficiaires actuels du régime. La modification des règles techniques d'acquisition et d'exercice des droits à chômage a alimenté des craintes souvent suscitées par des difficultés d'interprétation. On lui a aussi reproché de ne pas aborder de façon assez efficace la question de la lutte contre les abus. A cet égard, je regrette que l'accord intervenu le 16 juin au sein de l'UNEDIC n'ait pas traité la question du champ d'application avec plus de fermeté. Cette question, essentielle à mes yeux, reste un objet de réflexion et de décision pour tous ceux qui sont attachés à une pérennisation moralisée de l'intermittence.

J'ai, après avoir mené de larges consultations, demandé le 7 juillet à l'UNEDIC de réexaminer l'accord sur un certain nombre de points que les organisations syndicales avaient signalés comme posant des difficultés. La plupart de ces demandes ont été entendues et prises en compte par un avenant à l'accord, signé le 8 juillet. Il s'agit :

Le président de l'UNEDIC dans un courrier qu'il m'a adressé le 9 juillet, a apporté par ailleurs des éclaircissements sur des dispositions sujettes à interprétation comme la compatibilité des activités d'enseignement avec l'indemnisation au titre du chômage, les modalités de recherche des droits au-delà de la période initiale de 10,5 mois, le droit au bénéfice d'une indemnisation pendant les périodes de formation continue. Par ailleurs, les règles d'application de la franchise, qui conduisent à l'avenir à une neutralisation des trente premiers jours, ont été précisées dans un sens plus favorable aux salariés que dans le système actuel.

Je me suis engagé, parallèlement et avec la même détermination, dès le printemps dernier, dans une lutte résolue contre les abus et fraudes diverses qui sont la cause principale de la fragilisation du régime. Cette lutte est une priorité pour le Gouvernement. Comme vous le savez, j'ai confié une mission d'analyse des modes de recours à l'intermittence dans l'audiovisuel public à Bernard Gourinchas qui devrait me rendre un pré-rapport le 15 octobre prochain, et son rapport définitif fin décembre 2003. De son côté, comme cela vous sera exposé, la Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal a élaboré un plan pour mobiliser les services de contrôle. Il s'agit pour moi d'un volet essentiel pour la moralisation et un rééquilibrage de l'usage de l'intermittence.

Enfin, par lettre du 29 juillet, j'ai à nouveau saisi le président de l'UNEDIC pour lui demander de réexaminer la question du caractère non révisable du salaire journalier de référence pendant toute la période d'indemnisation. Le principe d'un réexamen à échéance fixe du montant des indemnités perçues répondrait aux inquiétudes qui se sont manifestées sur l'incertitude liée au revenu de remplacement servi par l'assurance chômage. Par lettre du 4 août, le président de l'UNEDIC m'a fait part de son accord pour mettre ce point à l'étude et le soumettre aux partenaires sociaux, dans la perspective du rendez-vous fixé par l'accord à la fin de l'année 2004.

C'est dans ce contexte que l'accord, qui ne comporte pas d'éléments contestables en légalité, a été agréé. Il entrera en vigueur progressivement, à compter du 1er janvier 2004. Nous devons aujourd'hui prendre en compte cette incontournable réalité et nous tourner vers l'avenir.

Pour l'heure, l'explicitation de l'accord reste à parfaire. Je comprends le sentiment d'incertitude ou d'insécurité des salariés face à une modification de règles complexes. C'est pourquoi le travail d'information et d'explication de l'accord me paraît important. Il revient principalement à l'UNEDIC de le faire. C'est la raison pour laquelle François Fillon et moi-même avons écrit au président de l'UNEDIC pour le lui demander.

Je demeurerai par ailleurs très attentif aux conditions d'application de l'accord. C'est ma priorité. Le président de l'UNEDIC m'a fait part, à la suite de la demande que nous lui avons adressée avec F.Fillon, de son accord pour mettre en place, dans les meilleurs délais, au niveau national, un comité d'information et de suivi de la mise en œuvre de l'accord. Il est indispensable d'apporter des réponses adaptées et précises aux questions techniques qui se posent. L'examen régulier de l'impact des nouvelles règles pour les professionnels concernés est, d'autre part, nécessaire pour mesurer les effets de l'accord et en tirer d'éventuelles conséquences.

Je vous le redis, je considère que cet accord a pour immense avantage de préserver le régime de l'intermittence et de conserver à la France, un système unique en Europe, assurant une réelle garantie à l'exercice des métiers concernés.

S'agissant de l'avenir du régime, j'ai entendu les débats et les analyses qui ont été développées cet été. J'ai acquis la conviction qu'il conviendrait d'engager une réflexion radicale sur les moyens de conserver, pour les prochaines décennies, à l'intermittence à la fois sa logique et son éthique. L'intermittence a été voulue pour servir la création artistique. C'est cet objectif central qui est prioritaire et qui doit conduire à reposer sans cesse la question essentielle du champ des activités couvertes et des métiers ayant accès au régime. Doit-on assujettir aux mêmes règles des secteurs dont les économies sont fondamentalement différentes, les unes marquées par des conditions de production proches de l'artisanat ou empreintes de l'ambition du service public, les autres caractérisées par des logiques commerciales lourdes ? Doit-on traiter également la production des œuvres et la production des programmes ? Comment aussi aborder de façon spécifique la dynamique de l'émergence des jeunes talents ? Ce sont, parmi d'autres, ces questions qui doivent guider la réflexion collective pour l'avenir. C'est pourquoi j'invite aujourd'hui les partenaires sociaux, qui ont la responsabilité paritaire de la gestion de l'UNEDIC, à mettre à profit le temps qui nous sépare du terme de l'accord du 26 juin pour ouvrir et, je l'espère, conclure ce débat de fond auquel le ministère de la Culture et de la Communication est prêt à contribuer.

2. La prise en compte de la réalité du travail des artistes et techniciens

Au-delà, cependant, du débat sur l'aménagement d'un régime spécifique d'assurance chômage, la crise, que nous avons traversée, a soulevé beaucoup d'autres questions dont, celle, fondamentale, de la juste prise en compte de la réalité du travail artistique. Durant des décennies, chacun s'est accommodé d'un compromis qui consistait à reporter sur l'UNEDIC la charge du financement d'une partie de la vie artistique de notre pays. Chacun y trouvait peu ou prou son compte, y compris les collectivités publiques qui subventionnent la vie culturelle, y compris le ministère de la Culture et de la Communication. Par un paradoxe surprenant, on a fini par promouvoir le chômage plutôt que le travail artistique, au point que l'intermittence a d'ailleurs été, de plus en plus, vécue comme un statut professionnel. C'est bien cela aussi qu'il s'agit de renverser. C'est là que l'État et les collectivités publiques doivent agir en promouvant une nouvelle manière de considérer la réalité du travail artistique, en imposant, par exemple, le paiement systématique des services de répétition ou encore l'obligation de ne vendre un spectacle qu'à un prix au moins égal au prix du plateau, c'est-à-dire incluant la rémunération réelle du travail artistique et technique qu'il nécessite.

L'assurance chômage est bien là pour soutenir un salarié travaillant de façon discontinue pour des employeurs divers. Le travail ne doit cependant plus être un prétexte permettant de trouver dans le chômage le frêle substitut d'un statut professionnel. C'est donc bien désormais le combat pour le juste développement du travail artistique, dans le respect équitable des droits de ceux qui travaillent, qui doit nous mobiliser, qui doit nous rassembler.

Nous devons donc nous attacher à mieux évaluer les conditions de l'emploi et travailler au développement durable de l'emploi et cela dans quatre directions :
- augmenter le volume de l'emploi rémunéré et déclaré dans la création indépendante;
- associer les réseaux institutionnels à l'effort en faveur de l'emploi artistique;
- mieux accompagner l'entrée et la sortie des métiers;
- favoriser l'emploi dans les lieux de spectacles indépendants.

En ce qui concerne la connaissance de l'évolution de la situation de l'emploi, je souhaite vous proposer la création d'une commission permanente de l'emploi au sein du CNPS. Celle-ci aura la responsabilité d'assurer l'amélioration de la connaissance de l'emploi, la réflexion sur son évolution, le suivi d'un certain nombre d'indicateurs économiques et sociaux propres au secteur. J'ai demandé à M. Claude Seibel, inspecteur général de l'INSEE et président du groupe des métiers et de la prospective au Commissariat au Plan, de bien vouloir présider cette instance.

Je pense également que nous devons améliorer nos outils de dialogue sur les questions professionnelles. Plusieurs directions régionales des affaires culturelles ont mis en place des instances de concertation. Un groupe de travail du CNPS a travaillé sur cette question. Le Premier ministre a donné le 6 août dernier, instruction aux Préfets de généraliser ces instances de dialogue dans les régions, en favorisant des réunions périodiques des professionnels, des administrations concernées et des représentants des collectivités territoriales. Elles permettront de faire le point sur les questions d'emploi et de formation professionnelle en région.

3. La réforme des politiques publiques en faveur du spectacle vivant

Issu d'une politique volontariste de l'État initiée par André Malraux avec la décentralisation dramatique, le spectacle vivant s'est formidablement développé à partir des années 1980 sous le double effet de l'augmentation des crédits d'intervention de l'État et de l'implication de plus en plus forte des collectivités territoriales. Cette croissance a reposé de plus en plus largement sur une fragmentation de la dépense publique et sur des modes de financement artificiels tel que le recours souvent abusif à l'intermittence et à l'emploi-jeunes, dont l'évolution réglementaire récente souligne la fragilité du secteur. Les missions dévolues aux réseaux soutenus par l'État n'apparaissent plus toujours, au terme de cette expansion continue, clairement intelligibles. Les responsabilités respectives de l'État, des collectivités territoriales et des professionnels dans la production et la diffusion des œuvres demandent souvent à être reformulées pour redevenir lisibles et efficaces.

L'ensemble des collectivités publiques comme des professionnels doit participer à cette refondation autour d'un nouveau pacte pour le spectacle vivant. C'est à cette vaste réflexion que je vous convie.

L'objectif de ce débat national est de parvenir à un diagnostic partagé par les élus, les professionnels et, plus largement, nos concitoyens, sur l'état des politiques publiques et les enjeux pour l'avenir du spectacle vivant. J'ai chargé M. Bernard Latarjet, président de l'établissement public du parc et de la grande halle de La Villette, de le préparer et de l'organiser. Il lui appartiendra de prendre immédiatement toutes les initiatives appropriées pour susciter et recueillir les éléments du débat. Il lui reviendra ensuite d'établir une synthèse de ces contributions et de me proposer au plus tard début décembre les modalités d'organisation des Assises qui pourraient se dérouler sur deux journées dans la deuxième quinzaine du mois de janvier 2004. Les services de l'État, à l'échelon déconcentré, organiseront parallèlement des rencontres en région, demandées par le Premier Ministre. Je m'impliquerai personnellement, dans cette réflexion sur le terrain à chaque fois que cela sera utile.

Des thèmes majeurs devront évidemment être abordés dans ce cadre. Je pense notamment:
- à la réflexion sur les enjeux artistiques et culturels du spectacle vivant dans le monde d'aujourd'hui,
- à l'économie de la création, de la production, de la diffusion,
- à la question des métiers et l'emploi ;
- à la question des responsabilités qui incombent aux collectivités publiques dans le champ du spectacle vivant.

C'est en particulier sur la base d'un diagnostic partagé sur ces sujets, et à l'issue des Assises Nationales, que sera élaboré le plan de soutien à l'emploi artistique, souhaité par le Président de la République et que pourrait être proposée une loi en faveur du spectacle vivant, évoquée par le Premier Ministre.

* * *

L'ordre du jour reprend ces différents points. Je laisserai les responsables du ministère des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité en exposer les trois premiers points. Je voudrais, à cette occasion, les remercier, ainsi que les membres des organisations d'employeurs et de salariés qui ont, tout au long du printemps, travaillé sur ces différents dossiers, dans le cadre des commissions que nous avions décidé ensemble de constituer. C'est grâce à ce travail préalable que nous avons pu aboutir rapidement sur ces dossiers complexes, à l'étude depuis plusieurs années mais auxquels il avait manqué sans doute la volonté d'aboutir.

Je sais, bien sûr, pour l'avoir vécue au jour le jour et par le dialogue quotidien que j'entretiens avec des hommes et des femmes de théâtre, des danseurs, des musiciens, des artistes du spectacle, de l'audiovisuel et du cinéma, des responsables d'institutions… à quel point la situation née de la signature de l'accord du 26 juin demeure tendue. Cet été, l'annulation des festivals a causé d'immenses dégâts, artistiques, économiques et humains. Le risque existe d'une dégradation durable de la relation avec les publics, le risque existe aussi que cette réalité si fragile du spectacle vivant soit menacée. Chacun, à sa place, doit prendre ses responsabilités et se tourner vers l'avenir. Ce ministère est bien celui de la création, au service des artistes. Il mobilisera toutes ses forces pour faire avancer les choses, soutenir les professions, assurer le développement de la production et de la diffusion de la création dans l'audiovisuel, le cinéma et le spectacle.


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