Je dois anatomiser le cœur humain sur mon sens intime, et sonder
les profondeurs du moi. […] Inconcevable labyrinthe du cœur
humain ! […]
Je ne déguiserai rien, ô lecteur ! » C’est
ainsi que Rétif (ou Restif) présente son entreprise
autobiographique, Monsieur Nicolas.
Même s’il mêle bien des fantasmes à cette
vie qu’il nous raconte, nous pouvons retracer un itinéraire
bien singulier, celui d’un enfant bourguignon devenu ouvrier
imprimeur et qui finalement s’affirme comme écrivain
parisien.
Nicolas-Edme Rétif est né en 1734 dans un petit village
de Bourgogne, Sacy, au sein d’une famille de paysans. Il passe
ses années d’enfance en partageant la vie villageoise.
Le livre qu’il consacre à son père, La Vie de
mon père, ainsi que les premiers volumes de son autobiographie,
nous présentent un tableau -idéalisé de ce monde
rural, mais parfois constituent un témoignage saisi sur le
vif. Puis, en 1751, il est mis en apprentissage à Auxerre pour
devenir ouvrier typographe. Changement de cadre, changement de condition,
témoignages encore sur ce monde de l’imprimerie qu’il
ne quittera plus jusqu’à sa mort. Car il devient compagnon
et gagne la capitale où il va travailler désormais.
Il écrit depuis longtemps, mais c’est à partir
de cette période qu’il envisage une carrière d’écrivain
et abandonne même son métier pour se consacrer à
la littérature. Finalement, il deviendra à partir de
1790 son propre imprimeur. Il traverse la Révolution en observateur
parfois terrifié des excès dont il est témoin.
Dans le dénuement, il meurt en 1806 à Paris.
Son œuvre très ample touche à tous les genres et
se trouve marquée par son caractère d’autodidacte.
Pour ne citer que quelques titres, qu’il s’agisse de théâtre
(Le Drame de la Vie), d’utopie (La Découverte australe),
de projets de réforme (La Mimographe), de romans (Le Paysan
et la Paysanne pervertis) ou de nouvelles (Les Contemporaines, Les
Nuits de Paris), ses œuvres nous font découvrir un auteur
marginal, fantasque, piéton de Paris infatigable, fasciné
par les femmes auxquelles il dit tout devoir : « Sans les femmes,
j’étais un être nul, sans vigueur, sans énergie,
sans activité, sans âme enfin. » Il redoute plus
que tout la mort et l’oubli dans la mort. Se savoir lu reste
pour lui la meilleure manière de lutter contre cet effacement
de soi. La société Rétif de La Bretonne s’emploie
à mieux faire connaître son œuvre.