Travailler six jours, se reposer le septième « le jour
du Seigneur » (tel est bien le sens de dominica, d’où
vient dimanche), c’est un commandement divin, donc d’Église.
Cela allait de soi avant 1789. La domination religieuse fut rapidement
secouée pendant la Révolution et même l’Empire,
et maladroitement rétablie par la Restauration : la charte
de 1814 (qui déclare le catholicisme religion d’État),
l’interdiction du divorce, et la loi du 18 novembre 1814 qui
rend expressément obligatoire le repos du dimanche.
On comprend que le XIXe siècle libéral et laïque
ait voulu changer tout cela et, au temps de Jules Ferry, c’est
la victoire : consolidation du régime républicain, école
laïque gratuite et obligatoire, rétablissement du divorce…
et loi de 1880 qui supprime le caractère obligatoire du repos
hebdomadaire. -Victoires de principe incontestables.
En fait beaucoup de travailleurs avaient continué à
se reposer le dimanche, par coutume multiséculaire. Mais il
pouvait exister dans certaines entreprises issues de la révolution
industrielle des patrons impérieux, tout puissants, pour qui
un jour de travail (ouvrier) de plus par semaine accroissait les profits,
et cela arrivait parfois…
La revanche sur le cléricalisme de 1814 pouvait donc servir
de prétexte à une aide au patronat industriel ? La République
bien républicaine pouvait donc aussi être quelque peu
antisociale ? C’est ce dont l’accusaient d’ailleurs,
depuis l’origine, anarchistes et socialistes. C’est cette
contradiction morale qui va se résoudre, au moins partiellement.
Après 1905 et la séparation spectaculaire de l’Église
et de l’État, on ne pouvait plus accuser les républicains
au pouvoir (les radicaux Sarrien et Clémenceau) de docilité
pour Rome ! Ils purent donc instaurer (ou rétablir, ou commencer
à rétablir) le repos hebdomadaire obligatoire pour donner
une satisfaction partielle aux mouvements grandissants de la classe
ouvrière orga-nisée (SFIO, CGT).
Utile rappel de cette interférence entre luttes sociales et
luttes idéologiques qui est si caractéristique de la
France d’hier.