Originaire de Chartres, issu d’une famille de notables, Philippe
Desportes fit de solides études et entra à la cour dans
un emploi subalterne de -secrétaire, protégé
par Claude de L’Aubespine et les Villeroy. Introduit dans le
monde des lettres dès 1567, il fréquenta le salon de
la comtesse de Retz, et publia en 1573 ses Premières Œuvres,
dédiées au roi de Pologne, le duc d’Anjou, futur
Henri III, à qui il lia sa fortune. Familier du prince, qu’il
suivit en Pologne, il profita de sa faveur lors de son retour en France.
Membre de l’académie du Palais et de l’oratoire
de Vincennes, Desportes obtint en 1582 deux importants bénéfices
ecclésiastiques, les abbayes de Notre-Dame de Josaphat et de
Tiron, dans le diocèse de Chartres, et il reçut les
ordres mineurs; l’année suivante, il fut pourvu d’un
canonicat à Chartres et d’un autre à la Sainte-Chapelle
de Paris. Proche de l’amiral de Joyeuse, dont il fut le conseiller,
Desportes quitta la cour en 1587 et semble s’être progressivement
éloigné du roi, peut-être déçu de
n’avoir pu obtenir le « très grand bénéfice
» qu’il convoitait.
Au cours de la Ligue, il était à Rouen auprès
du marquis de Villars, dont il négocia le ralliement à
Henri IV, alors que son frère Thibaut, sieur de Bévilliers,
en 1592, accompagnait à Rome l’évêque de
Lisieux pour traiter de la conversion du roi. S’il ne reçut
pas l’archevêché de Bordeaux, Desportes fut pourvu
de -l’abbaye de Bonport en récompense de ses services.
La paix revenue, il retrouva sa place à la cour, se partageant
entre Paris et sa belle demeure de Vanves, au milieu de ses livres,
recevant l’hommage de tous les poètes de son temps. Il
mourut en 1606, faisant de son frère le légataire de
sa fortune et de sa riche bibliothèque, dispersée après
1623.
Pourtant réduite au recueil des pièces amoureuses des
Premières Œuvres et à un volume de poésies
spirituelles — la savante traduction des Psaumes et vingt sonnets
chrétiens, sans doute son chef-d’œuvre —,
la poésie de Desportes connut un succès considérable,
en France, mais aussi dans les Pays-Bas et -surtout en Écosse,
attesté par près d’une cinquantaine d’éditions
entre 1573 et 1629, et qu’amplifiait la mise en musique de pièces
en vers parfaitement -adaptées au genre nouveau de l’air
de cour.
Ce succès, qui allait bien au-delà de la faveur dont
Desportes bénéficiait auprès des grands, couronnait
la quasi perfection d’une œuvre lyrique patiemment reprise
pendant plus de trente ans, objet d’un lent travail de polissage,
de variation et d’amplification, sur une matière somme
toute très grêle, en partie imitée des néo-pétrarquistes
italiens. Il illustrait aussi un parfait accord entre le poète
et son temps. Au milieu des fureurs des guerres civiles et religieuses,
le poète disait un idéal d’harmonie et la maîtrise
des passions. Desportes sut rompre avec la « fureur »
d’un haut style passionné hérité de Ronsard,
pour retrouver Marot et du Bellay, et revenir, par un travail méthodique
sur la métrique, la prosodie et la syntaxe, à la douceur
et à la raison, les qualités que célébraient
les apologistes de la langue française.