Les Voyages extraordinaires se composent
de 62 romans et 18 nouvelles. Jules Verne leur a consacré quarante
années d’écriture. Nés de sa rencontre avec
l’éditeur Pierre-Jules Hetzel, ils ont été
conçus comme un cycle complet des découvertes et mutations
planétaires des Hommes. La connaissance scientifique du monde,
le positivisme d’Auguste Comte et la naissance des idéologies
prennent la place des croyances traditionnelles.
Jules Verne voit naître le chemin de fer, le téléphone,
le cinéma, le -phonographe, le sous-marin, la compréhension
physique des galaxies, les premiers avions, mais aussi les sciences
humaines : l’anthropologie, la psychologie, la sociologie, la
philosophie de l’histoire… Les explorateurs pénètrent
les dernières régions méconnues de l’Afrique,
de l’Amérique, des pôles. La -géographie,
science de l’espace vital, la géodésie, repérage
d’un espace mondial, l’accélération du temps
par les moyens de transport et de communication -nouveaux, la mondialisation
de la presse… sont les vecteurs de cette mutation. Les Voyages
extraordinaires transposent dans l’imaginaire ce progrès
réel. Jules Verne imagine ce que seront les performances de ces
découvertes cinquante, cent, cent cinquante ans plus tard.
Il fonde les axes d’une exploration de l’univers, dès
ses premiers romans, en associant technique et voyage, imaginaire et
réalité : traversée de l’Afrique en ballon,
conquête du pôle Nord, voyage au centre de la terre, tour
du monde par terre et sous la mer, voyage autour de la lune et mise
en scène du gigantisme américain… donnent la mesure
d’une humanité qui devient mondiale. Les voyages qui suivront
détaillent cette appropriation générale de la terre.
Chaque aventure nouvelle est l’histoire d’une connaissance
nouvelle. La planète devient une île et dévoile
son mystère dans l’univers.
Jules Verne n’a pratiqué la projection dans des mondes
futurs que dans trois textes en marge des Voyages
extraordinaires. Sa force suggestive, sa capacité à
faire rêver les lecteurs de plusieurs générations
viennent, au contraire, du fait qu’il a situé les actions
des hommes de demain dans le présent de son époque ; non
pas dans le futur, mais dans le présent par anticipation, comme
on aime à imaginer un futur – de bonheur bien sûr
– aux enfants dans le présent. Son habile mise en œuvre
d’un monde meilleur, mais d’un esprit lucide, voyant -l’humain
passer avec angoisse à côté d’un bonheur fuyant
toujours, lui vaut une popularité mondiale.
Les techniques, les sciences physique et chimique, qui ont paru longtemps
au premier plan de ses romans, n’y sont pas plus présentes
que les sciences de l’homme. Son génie qui lui permet d’imaginer
des machines aussi perfectionnées que l’Obus
lunaire, le Nautilus, la Maison à vapeur, l’Albatros, l’Épouvante,
L’Île à hélice…, se double d’une
analyse toujours plus élaborée, à mesure que son
œuvre avance, des mœurs de l’humanité planétaire.
Le conflit entre laïcs et religieux, la naissance des idéologies
conservatrices, libérales, socialistes, les changements que ces
idéologies induisent dans notre conception du temps et de l’économie
lui font mettre en scène inlassablement le destin de l’humain.
Ce sont des centaines de personnages
qui parfois reviennent d’une histoire à une autre. Parmi
eux sont quelques héros, le capitaine Nemo, Michel Strogoff,
Phileas Fogg, Mathias Sandorf, Robur-le-conquérant… Ils
soulignent les formes sans précédent d’un avenir
de l’homme alors que, dans le réel, le monde se construit
sur une séparation des pouvoirs religieux et civils. À
côté de quelques héros emblématiques, ses
centaines d’autres personnages sont des citoyens de son temps
: savants, ingénieurs, journalistes, marins de tous corps de
métiers, cuisiniers, charpentiers, canonniers, harponneurs, quartiers-maîtres,
mousses… ils sont explorateurs, négociants, hommes d’affaires,
saltimbanques, retraités, révoltés, dilettantes…
qui font exister les héros et qui disent la valeur égale,
hors hiérarchie, de chaque homme qui accède à la
culture.
Jules Verne s’est défini comme simple artiste et conteur
là où d’autres écrivains ont accru leur gloire
par des prises de position politiques et par le journalisme. Lui se
contente du poste modeste de conseiller municipal de la ville d’Amiens
et intervient dans les questions de culture et d’urbanisme de
la ville. Il a gardé de sa jeunesse théâtrale «
le goût pour les bons mots plutôt que pour les bonnes affaires
» et reste fidèle à ce qu’il avait écrit
un jour à son père : « je ne vois dans toute chose
que le côté comique et la forme artistique ». La
plupart de ses romans sont des comédies ou des tragi-comédies.
*
Né à Nantes le 8 février 1828, Jules Verne arrive
à Paris pour terminer ses études de droit en juillet 1848.
Il se passionne pour le théâtre et, avec l’aide d’Alexandre
Dumas fils, voit sa première pièce représentée
à vingt-deux ans. Il écrit à son père qu’il
ne prendra pas la succession de son cabinet d’avoué, étant
« moins question que jamais d’abandonner la littérature
; c’est un art avec lequel je me suis identifié, et que
je n’abandonnerai jamais. »
Jules Verne se marie à 29 ans avec une Amiénoise, Honorine
Deviane, veuve et mère de deux petites filles ; elle a 28 ans.
En 1862, Jules Verne rencontre l’éditeur Pierre-Jules Hetzel
qui, de retour à Paris après neuf ans d’exil, fonde
avec Jean Macé une librairie laïque
d’éducation et de récréation en direction
d’un public familial. Le manuscrit de Cinq
semaines en ballon séduit aussitôt les deux hommes qui
l’éditent avec un succès immédiat.
Jules et Honorine ont un fils, Michel, et quittent Paris pour Le Crotoy,
village de pêcheurs sur la baie de Somme, puis s’installent
à Amiens après la guerre de 1870. Jules Verne disparaît
le 24 mars 1905. Il est inhumé à Amiens au cimetière
de la Madeleine.