Dans la période de transition qui, entre Boucher et David,
prépare l’avènement du néoclassicisme,
Lagrenée mène une carrière de peintre officiel,
servant avec constance la politique artistique des bâtiments
du Roi et sa préoccupation première, qui est la régénérescence
de la grande peinture.
Sa formation suit, sans heurt, le cursus d’un peintre d’histoire
promis au succès. Élève de Carle Van Loo, dont
il sera le plus proche émule, il obtient le prix de Rome en
1749, intègre l’École royale des élèves
protégés nouvellement créée, puis l’Académie
de France à Rome (1750-1754). De retour à Paris, il
est immédiatement agréé à l’Académie
royale puis reçu en 1755 avec
L’Enlèvement de Déjanire
(Louvre). Après un séjour de deux années à
la cour d’Élisabeth Ire de Russie (1760-1762), où
il assume la charge de professeur à l’Académie
des beaux-arts de Saint-Pétersbourg, il revient en France exercer
la même fonction au sein de l’Académie royale.
Ses envois réguliers au Salon du Louvre, comme le livre de
raison où il a consigné sa production, montrent un artiste
particulièrement fécond (on y dénombre plus de
quatre cent soixante tableaux). Il participe au décor des -résidences
royales, à Choisy (1765, Fontainebleau), à Bellevue
(1768, Louvre), au Petit Trianon de Versailles, où son
Cérès et Triptolème
est toujours en place (1769). Lorsque le roi Stanislas-Auguste de
Pologne sollicite des peintres français sur la recommandation
de Mme Geoffrin, Lagrenée est de ceux-là (1767, château
de Varsovie). L’artiste, toutefois, n’est jamais meilleur
que dans ses petits tableaux de cabinet au faire moelleux, mythologies
galantes, allégories gracieuses ou Vierges
à l’Enfant que les amateurs
s’arrachent. Le secret de cet artiste aussi doux de caractère
que d’inspiration, réside dans un style épuré
et suave imité des peintres bolonais du Seicento qui sont,
avec La Hyre et Le Sueur, l’une des sources du nouveau goût.
Lagrenée y gagnera le surnom flatteur d’ « Albane
moderne ».
Après l’avènement de Louis XVI et la nomination
du comte d’Angiviller à la direction des bâtiments,
Lagrenée livre, de 1777 à 1789, au rythme d’une
par Salon, sept grandes toiles au style noble inspirées de
l’Histoire ancienne (La mort de
la femme de Darius, 1785, Louvre). On n’en
attendait pas moins de celui qui, au sommet de la hiérarchie,
occupait la charge de directeur de l’Académie de France
à Rome (1781-1785). Les critiques, Diderot en tête, qui
espéraient plus, n’ont pas épargné Lagrenée.
L’artiste leur répondit à sa manière, avec
un petit panneau allégorique exposé au Salon de 1781
sous le titre L’Amour des Arts
console la Peinture des écrits ridicules et envenimés
de ses ennemis (Louvre).
Marie-Catherine Sahut
conservateur en chef au département des peintures
musée du Louvre