Fils d’un fonctionnaire du duc de Lorraine, Léopold,
Emmanuel Héré est élève de l’architecte
Germain Boffrand avant de travailler pour Stanislas Leszczynski, roi
de Pologne et duc de Lorraine, qui, animé par une -frénésie
de bâtir, lui confie la réalisation de très nombreux
ouvrages en Lorraine et tout particulièrement à Nancy.
À la fin des années 1730, Héré édifie
les bâtiments des bosquets du château de Lunéville,
exemples remarquables de la fantaisie inspirée de l’Orient
où Stanislas a séjourné durant ses années
d’exil. Le kiosque turc, le pavillon du trèfle chinois,
le hameau avec son moulin et ses automates mus par le mouvement de
l’eau ou le pavillon de la cascade ont tous impressionné
durablement les hôtes de marque accueillis par Stanislas : son
gendre Louis XV et sa famille, Voltaire et madame du Châtelet,
Montesquieu,…
Lorsqu’il construit le château de La Malgrange, aux portes
de Nancy, Héré le recouvre en partie de porcelaine,
accentuant ainsi le pittoresque qu’il a déjà développé
dans l’aménagement du château de Commercy ou la
rénovation du château de Chanteheux.
La première grande réalisation religieuse d’Emmanuel
Héré est l’église de Notre-Dame de Bonsecours
à Nancy, construite entre 1738 et 1741, destinée d’une
part à accueillir la Vierge réalisée par Mansuy
Gauvain pour René II après sa victoire sur les Bourguignons
en 1477, d’autre part à recevoir les cénotaphes
du duc Stanislas et de son épouse, Catherine Opalinska. Le
classicisme mesuré et élégant de la façade,
surmontée d’un clocher bulbeux, contraste avec la -décoration
intérieure de la nef, influencée par l’art d’outre-Rhin,
dont la voûte est couverte des fresques du peintre Joseph Gilles
dit le Provençal.
Entre 1750 et 1755, Emmanuel Héré réalise son
chef-d’œuvre : la place Stanislas (1). Cet ensemble monumental
est un des exemples les plus remarquables du XVIIIe siècle
d’architecture édilitaire. Autour de la place Royale
(aujourd’hui place Stanislas), Héré dessine la
place Saint-Stanislas (aujourd’hui place d’Alliance) et
modifie la place de la Carrière. L’équilibre remarquable
de l’architecture de la place Stanislas, animée par des
sculptures d’inspiration rocaille, est scandé par les
superbes ferronneries dues à Jean Lamour. Dans les deux angles,
faisant face à l’hôtel de ville, se trouvent les
fontaines de Neptune et Amphitrite du sculpteur Barthélémy
Guibal. L’œuvre de Héré est un exemple exceptionnel
de l’élégance et du raffinement d’une architecture
où se croisent les influences du classicisme français
et du baroque d’outre-Rhin. L’ensemble est classé
au patrimoine mondial par l’U.N.E.S.C.O.
Anobli par Stanislas en 1751, Emmanuel Héré meurt ruiné
en 1763 à la suite d’investissements malheureux dans
une fabrique d’amidon. Il a résumé les principaux
monuments de sa carrière dans les Plans et élévations
de la place Royale de Nancy…, ouvrage publié à
Paris en 1753, et dans le Recueil de
plans, élévations et coupes des châteaux, jardins
et dépendances que le roi de Pologne occupe en Lorraine
(en 1756).
Blandine Chavanne
conservateur du patrimoine
directeur du musée des Beaux-Arts de Nancy
1. -Voir dans la brochure des Célébrations nationales
2002 l’article de M. François Pupil,
qui évoque la pose de la 1re pierre de ce grandiose ensemble
architectural (p. 84-86)