On pourrait s’étonner de
trouver dans cet ouvrage de « commémorations nationales
» un homme qui est né à Arezzo et mort à
Arquà.
Mais :
1) Pétrarque fut tout jeune emmené par son père
à Carpentras où celui-ci, notaire, avait trouvé
un emploi à la cour papale d’Avignon. Ce même
Petracco (au nom latinisé par son fils) envoya Francesco
à l’université de Montpellier pour y étudier
le droit.
2) En 1327, le jeune homme rencontra à Avignon Laure, dont
il tomba amoureux, et qui deviendra l’inspiratrice de sa poésie
lyrique.
3) Après avoir voyagé dans de nombreuses villes européennes,
dont Paris et Lyon, rentré à Avignon en 1337, mais
hostile à la corruption régnant dans la ville, Pétrarque
se retire à Fontaine-de-Vaucluse, où il demeure jusqu’en
1353 tout en se rendant encore -fréquemment à l’étranger.
Jouissant d’un prestige international, il se voit proposer
la couronne de laurier des poètes par l’université
de Paris et le Sénat de Rome : il opte pour Rome pour des
raisons « patriotiques ».
Cet itinéraire est typique d’une carrière d’intellectuel
européen avant la lettre. Pétrarque est le premier
écrivain italien vivant principalement de sa plume, reconnu
par ses pairs comme par les puissants, préoccupé presque
exclusivement par son œuvre.
Quant à celle-ci, il faut d’abord citer une abondante
production en latin, à laquelle il confie sa gloire présente
et future et qui témoigne d’une vraie -passion pour
la culture antique.
Mais il doit aujourd’hui sa renommée à son Canzoniere
en langue vulgaire : recueil organique de poèmes à
la gloire de Laure, constamment -remanié selon un plan général
allant de pièces in vita et in morte (advenue en 1348) jusqu’à
un hommage à la Vierge : ascension significative de la terre
jusqu’au ciel.
Créateur d’un langage lyrique raffiné, le Canzoniere
s’impose comme modèle en Italie et en Europe jusqu’au
XVIIe siècle au moins.
Christian Bec
professeur émérite à l’université
de Paris-Sorbonne
membre de l’Accademia dei Lincei
Portrait du Musée des Offices
Florence
© Costa / Leemage