Le 22 octobre 1954 paraissait L’Appel,
premier volume des Mémoires de guerre
du général de Gaulle. Une fois de plus, l’homme
du 18 Juin créait l’événement. Ayant
quitté le pouvoir en janvier 1946 pour ne pas cautionner
un gouvernement d’assemblée, il avait tenté
sans succès d’y revenir par la voie des élections.
Retranché à Colombey, il y poursuivait une amère
traversée du désert.
L’Appel, loin de toute contestation
politique, le remettait au premier plan. Retentissement national.
Unanimité littéraire dans l’admiration. Cent
mille exemplaires vendus en un mois et bientôt une diffusion
mondiale : quatre ans plus tard, l’ouvrage était publié
dans tous les pays non communistes d’Europe sauf la Grèce,
ainsi qu’en U.R.S.S., aux États-Unis, en Amérique
latine, à -Beyrouth, en Israël et à Hong Kong.
Le deuxième tome, sorti en 1956, eut un égal succès
; le troisième, publié alors que de Gaulle était
revenu au pouvoir, fut discuté mais, dès 1961, la
vente cumulée des trois volumes en France dépassait
le million d’exemplaires.
Grande œuvre littéraire, les Mémoires
de guerre ont comblé un vide historique. Aux Français
des années 1950, abreuvés de littérature résistante,
mais peu instruits de l’épopée de la France
libre, ils ont révélé, documents à -l’appui,
le déroulement de la plus grande aventure collective française
du siècle et la lutte acharnée menée par un
rebelle hors du commun pour faire remonter la France de l’abîme
et l’imposer comme puissance victorieuse.
La réécriture de l’histoire par un de ses acteurs
n’en diminue pas, pour l’essentiel, a véracité.
Elle joignait à la chronique un message implicite : non seulement
le maître d’énergie a entendu rappeler aux Français
ce qu’ils lui devaient, mais il a souhaité les rassembler
autour de la meilleure image d’eux-mêmes et les inciter
à un avenir digne d’une grande nation.
En cela, l’œuvre historique était également
politique. Elle l’aura été doublement, car le
succès des Mémoires de guerre
aura été une étape sur la voie du retour au
pouvoir du général de Gaulle.
Jean-Louis Crémieux-Brilhac
secrétaire du Comité de propagande de la France libre,
1942-1944
ancien conseiller d’État
Page manuscrite de l’Appel
(on y voit les nombreuses corrections de l’auteur)
© cliché Bibliothèque nationale de France