Célébrations nationales 2003 2003
~ Arts ~

Fouille de la tombe princière de Vix
Printemps 1953

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On connaissait depuis 1930, sur la colline du mont Lassois, dans la commune de Vix, au Nord de la Côte-d’Or, l’existence d’un habitat fortifié protohistorique, et deux tombes sous tumulus contemporaines, pillées dans l’Antiquité, tout près de là, à Sainte-Colombe. Mais c’est la découverte d’une tombe non violée, d’une richesse excep-tionnelle, qui allait faire de Vix le grand site de la fin du premier Âge du Fer à l’Ouest du Rhin. Repérée en décembre 1952, fouillée dans les mois suivants, la « tombe princière » fut l’objet d’une première publication par son inventeur, René Joffroy, dès 1954.
Elle occupe, depuis, une place centrale dans les études et les réflexions sur le réseau de sites de hauteur et de tombes sous tumulus, qualifiés de « princiers », qui caractérisent la seconde moitié du VIe siècle et les premières décennies du Ve , dans une zone qui va au moins du Bade-Wurtemberg à la Bourgogne, en passant par le plateau suisse.

À leur richesse, qui s’exprime surtout dans le mobilier des tombes, s’ajoute l’abondance des objets étrusques et grecs, qui témoignent des relations de ces « princes » avec les cultures méditerranéennes. Une quinzaine de sites ont été repérés ou explorés, mais une seule autre tombe est parvenue intacte, à Hochdorf, près du site d’Asperg (Ludwigsburg).

La tombe de Vix est celle d’une femme, ce qui n’est pas sans exemple à cette époque ; son rôle devait être plus religieux que politique. C’est une inhumation, avec un char à quatre roues qui, dans toutes les tombes très riches depuis la fin de l’Âge du Bronze, est le signe du statut social du mort. La défunte portait une riche parure : des anneaux de jambe et des bracelets, en lignite et en bronze, deux colliers, l’un à perles de pierre, l’autre à perles d’ambre, un ensemble de fibules ; un torque de bronze était posé sur le ventre alors qu’elle portait au cou un extraordinaire torque d’or - qu’on avait d’abord pris pour un diadème ¢, qui pèse près de 500 grammes ; c’est un travail local ou régional, sans antécédent véritable, fait par un orfèvre qui connaissait très bien les techniques de l’orfèvrerie ibérique.
Le reste du mobilier est constitué par un ensemble de récipients : le plus grand cratère à volutes de bronze grec qui nous soit parvenu, œuvre d’artisans de Grande Grèce, avec un riche décor figuré ; deux coupes céramiques attiques ; une œnochoé (cruche) et trois bassins de bronze étrusques ; une phiale en argent à bossette dorée, dont la forme est locale, qui est le seul objet d’argent un peu important de cette époque en Europe non méditerranéenne. L’ensemble est une variante particulièrement riche des services à boire importés de Méditerranée qui caractérisent les tombes riches de tout le premier Âge du Fer, et qui montrent la fascination qu’exerçait le banquet gréco-étrusque sur ces « princes ». Ceux du Mont Lassois faisaient venir aussi des amphores à vin marseillaises. Il s’est développé, à partir de ces données, toute une réflexion sur les phénomènes d’acculturation.

Faut-il penser aussi au rôle de la consommation en commun de boissons alcoolisées dans les sociétés dites primitives ? Le cratère de Vix, les dernières analyses l’ont montré, contenait en effet une boisson alcoolisée, comme le chaudron de bronze qui jouait le même rôle dans la tombe de Hochdorf. L’archéologie et l’histoire se rencontrent là avec l’ethnologie. La tombe contenait aussi d’autres objets importés du Sud des Alpes : l’une au moins des étoffes dont on a pu identifier les restes, et des pigments bleus et rouges. La tombe de Vix est ainsi le témoignage le plus éclatant d’une culture ouverte sur l’extérieur, en relations directes avec l’Italie et les Grecs de Marseille, le développement des échanges et des trafics bénéficiant d’abord à une élite restreinte, qu’il est commode d’appeler « princière ». Ces sites de hauteur, centres du pouvoir, et les tombes qui les accompagnent, ont duré, sous cette forme, peu de temps : deux ou trois générations. On tend aujourd’hui à dater la tombe de Vix des environs de 500 avant J.-C.

Son étude détaillée, et la réflexion sur son mobilier et sa situation chronologique et culturelle, apportent beaucoup sur plusieurs problèmes importants. Les premiers touchent aux rapports de Marseille avec l’Europe intérieure, le Mont Lassois se distinguant des sites princiers de l’Est du Rhin par l’importance primordiale de ses relations avec Marseille ; c’est également important pour l’histoire même de Marseille, fondée vers - 600 ; dès 1960, Fr. Villard avait vu le rôle du commerce de l’étain.
L’analyse du mobilier même de la tombe a conduit d’autre part à modifier notre vision du passage du premier au deuxième Âge du Fer, car elle montre que, dès avant la chute des sites princiers, apparaissent dans les objets et leur technique, comme dans les rites, des traits qui se développeront ensuite : cela suggère que les ruptures qui ont conduit à distinguer les deux époques - remplacement du char cérémoniel à quatre roues par le char de guerre à deux roues, changement dans les types des armes et de plusieurs objets - , et qui sont contemporaines de la fin des sites princiers, ne doivent pas masquer une continuité profonde : depuis deux ou trois décennies, la recherche, en préhistoire et protohistoire, insiste sur les continuités plutôt que sur les ruptures.

Claude Rolley
professeur émérite de l’université de Bourgogne



Cratère de Vix : détail, quadrige
Musée du Châtillonnais, Châtillon sur Seine
© Musée du Châtillonnais, France

Le cratère en bronze (hauteur : 1,64 m)
Musée du Châtillonnais, Châtillon sur Seine
© Musée du Châtillonnais, France

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