Célébrations nationales 2003 2003
~ Littérature et sciences humaines ~

Jean-Baptiste Say publie " le Traité d'économie politique"
1803


Édité quatre fois de son vivant, le Traité d’économie politique de Jean-Baptiste Say (1767-1832) est peut-être l’expression la plus accomplie de la science économique au début du XIX e siècle. Il est l’oeuvre d’un auteur encore jeune qui, grâce aux revers de fortune de son père, a travaillé dans la banque et l’assurance, découvert à Londres l’industrie naissante et Adam Smith, sympathisé avec les idées révolutionnaires, mené une carrière de publiciste libéral, a été membre du Tribunat et, lorsqu’il en a été éliminé par le Premier consul, a fondé une entreprise de textile prospère. Parallèlement aux éditions successives du Traité, J.-B. Say en a repris la matière dans plusieurs autres publications, dont le Catéchisme d’économie politique, 1815, et le Cours complet d’économie politique, objet de son enseignement au Centre national des arts et métiers, puis au Collège de France. La dernière édition du Traité a été publiée en 1971 avec une remarquable préface de Georges Tapinos dans laquelle cette notice a puisé.

Bien que le Traité ait été souvent comparé de façon désavantageuse aux autres œuvres majeures de l’économie politique naissante (la Richesse des Nations d’Adam Smith, 1776, les Principes de Ricardo, 1817, l’Essai, 1798, puis les Principes, 1820, de Malthus), il présente par rapport à elles plusieurs traits favorables. En premier lieu, le Traité d’économie politique ou simple exposition de la manière dont se forment, se distribuent ou se consomment les richesses est, comme l’écrit Nogaro (1944) : « le premier livre qui fasse de l’ensemble de la science économique un exposé didactique, suivant un plan rigoureux ».C’est certes l’ampleur du domaine couvert et la clarté de l’exposition qui caractérisent le Traité, mais c’est aussi la méthode fondée sur l’observation (et la propre expérience de l’auteur) : pour Jean-Baptiste Say, l’économie est « une science expérimentale ».

Ensuite, l’auteur présente une conception novatrice de la richesse, beaucoup plus large que celle de Smith et Ricardo : « la production n’est pas une création de matière, mais une création d’utilité ». La valeur de la production ne se détermine qu’en fonction de la demande. C’est ainsi que logiquement apparaît l’apport sans doute le plus connu du Traité, traditionnellement désigné sous l’expression « loi des débouchés » ou « loi de Say », qui est l’énoncé du principe d’équilibre général : « les produits ne s’achètent qu’avec les produits », formule non dépourvue d’ambiguïté et mille fois commentée, souvent reprise d’ailleurs par l’auteur en réponse aux critiques de Malthus et de Sismondi.

Une large controverse en effet est née de l’interprétation selon laquelle, si des déséquilibres partiels sont possibles, une surproduction générale ne l’est pas. Clairement novatrice encore est la conception du Traité qualifiée parfois d’optimiste, qui exclut l’état stationnaire, c’est-à-dire la nécessité d’un achèvement de la croissance, si ancrée dans la vision des classiques anglais. Par la place qu’il donne aux progrès techniques et au caractère illimité des besoins, le Traité s’inscrit dans une perspective de développement. Par bien d’autres aspects aussi, notamment par l’analyse des famines, il est un ouvrage d’économie du développement. Il est remarquable, enfin, que le Traité, dans la logique de ce qui précède, présente une théorie de la population autrement plus nuancée que celle de Malthus, en quelque sorte un « principe élargi de la population » :c’est sur les moyens d’existence et non sur les moyens de subsistance que se règle l’accroissement démographique.

C’est bien parce qu’il présente un ensemble cohérent de raisonnements incessamment nourris de bon sens et d’expérience que le Traité demeure deux siècles plus tard une œuvre de référence essentielle dans l’histoire de la pensée économique.


Patrick Guillaumont
professeur à l’université d’Auvergne,
président du CERDI


Portrait de Jean-Baptiste Say
© Rue des Archives / TAL


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