2003
~ Sciences et techniques ~
> programme des manifestations En 1903, le prix Nobel de physique est attribué conjointement à Henri Becquerel pour « la découverte de la radioactivité spontanée », et à Pierre et Marie Curie « pour leurs recherches sur les phénomènes de radiation découverts par le professeur Becquerel ». Cest un événement important pour lhistoire des sciences, lhistoire des femmes et celle de la notoriété des prix Nobel scientifiques. Les expériences majeures dHenri Becquerel avaient été réalisées entre mars et mai 1896 au Muséum national dhistoire naturelle. Leur objectif initial était détablir si lexcitation par la lumière de la phosphorescence de certains sels saccompagnait de lémission de ces rayons X que venait de découvrir W. C. Röntgen. Létude menée à laide de plaques photographiques aboutit, le premier mars, à une conclusion différente : un rayonnement invisible et pénétrant la matière est émis par le composé utilisé, sans quil soit nécessaire dexciter préalablement sa phosphorescence. En mai, Henri Becquerel découvre que ce rayonnement est émis par lélément uranium présent dans léchantillon. Lannée suivante, Becquerel abandonne, définitivement croyait-il, létude dun sujet quil pensait avoir épuisé. Marie Curie, qui cherchait un sujet de thèse, entreprend, fin 1897, une étude quantitative des « rayons uraniques ». La mesure des charges produites sur le passage du rayonnement, à laide dun électromètre et dun quartz piézoélectrique mis au point par Pierre Curie, lui permet de conclure que lémission est bien une propriété atomique de luranium. Elle ne trouve pas, dans une recherche systématique, dautres éléments émettant des rayons de Becquerel (sauf le thorium). La forte intensité du rayonnement émis par des minéraux duranium, en particulier la pechblende, la conduit à penser que ces minéraux doivent contenir un élément beaucoup plus actif que luranium. Pierre et Marie Curie vont dès lors collaborer étroitement à la recherche de lélément inconnu. Une nouvelle méthode associant des séparations menées avec les moyens de lanalyse chimique ordinaire et la mesure de la radioactivité des produits séparés va leur permettre de découvrir le polonium en juillet 1898, puis, en collaboration avec G. Bémont, le radium en décembre 1898. Le rayonnement spontané de certains éléments est dès lors reconnu comme un phénomène radicalement nouveau, la radioactivité. Les recherches se multiplient dans de nombreux pays, avec en France notamment Becquerel et les Curie. Nouveaux radioéléments, nature des rayonnements, radioactivité induite et émanation ... réponses, controverses, questions. Pierre et Marie Curie soulignent, au congrès de Paris en juillet 1900 : « La spontanéité du rayonnement est une énigme, un sujet détonnement profond. Quelle est la source de lénergie des rayons de Becquerel ? Faut-il la chercher dans les corps radioactifs eux-mêmes ou bien à lextérieur ? ». E. Rutherford et F. Soddy répondront à cette question en 1902 : La radioactivité est une transformation spontanée dun élément chimique en un autre, mettant en jeu une énergie dun type inconnu, que nous savons aujourdhui être de lénergie nucléaire. En 1903, Pierre Curie et A. Laborde mesurent directement la chaleur dégagée par la transformation du radium et Marie Curie présente dans sa thèse la séparation du radium en quantité pondérable et la détermination de son poids atomique. Au cours de ces années, le traitement de maladies de peau, puis de cancers avec des préparations de radium commence à être expérimenté. Lapproche dAlfred Nobel définissant les objectifs et critères des cinq prix annuels quil instituait était globale et ambitieuse. Les prix devaient être internationaux et les réalisations être un bénéfice pour lhumanité. Les prix scientifiques devaient récompenser « la découverte ou invention la plus importante » au cours des années les plus récentes. Les découvertes de la radioactivité et des éléments spontanément radioactifs ouvraient un chapitre nouveau de la physique où le radium jouera un rôle considérable comme outil dexploration de la matière. On comprenait déjà quelles auraient dimmenses conséquences. Le prix Nobel de physique de 1903 fut cependant lobjet de délicates discus-sions. Le Comité Nobel de chimie revendiquait lappartenance à la chimie de la nouvelle discipline. Il sinclina en obtenant que la découverte du polonium et du radium ne soit pas invoquée dans le motif dattribution. La proposition transmise pour la France par lAcadémie des Sciences ne comportait que les noms de Becquerel et de Pierre Curie. Il fallut lintervention dun membre de lAcadémie suédoise et une lettre de Pierre Curie pour que Marie Curie partage le prix de 1903. Henri Becquerel était le descendant dune grande famille de scientifiques, professeur au Muséum et membre de lInstitut. Pierre Curie était profes-seur à lécole de physique et de chimie industrielle de la ville de Paris, position assez modeste. Marie Sklodowska-Curie, fin 1897, venait dachever un premier travail de recherche et navait aucune rémunération. Lintérêt du public se focalisa sur les Curie, un couple de scientifiques travaillant dans des conditions difficiles. Le radium et ses applications pour le traitement du cancer enflamma les imaginations. Cette notoriété des Curie dans le grand public fit beaucoup pour la popularité des prix Nobel scientifiques, jusqualors éclipsés par le prix Nobel de littérature et celui de la paix. Il faudra attendre 1947 pour quune femme reçoive à nouveau un prix Nobel de physique. Hélène Langevin-Joliot
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Marie Curie, photographie prise à Birmingham en 1913 Association Curie et Joliot-Curie, Paris © ACJC ( Archives Curie et Joliot-Curie) |
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