Célébrations nationales 2003 2003
~ Sciences et techniques ~

Claude Bernard soutient sa thèse :
Recherche sur une nouvelle fonction du foie
17 mars 1853

Aux obsèques nationales de Claude Bernard, le chimiste Jean-Baptiste Dumas, s’adressant à Victor Duruy, propose cette définition du défunt : « Ce n’est pas un grand physiologiste, c’est la physiologie. », transformant, suivant l’expression de Georges Canguilhem, un homme en institution. La formule est à peine exagérée dans la mesure où nous devons reconnaître dans l’oeuvre de Bernard, qui s’est lui-même désigné comme le fondateur de la médecine expérimentale, l’origine d’une bio-médecine dont le XXe siècle fut l’héritier.

Dans ces années 1840-1870, période qui correspond à l’oeuvre majeure de Bernard, un homme seul peut créer une science. Toutefois cette solitude du scientifique n’est qu’apparente. L’émergence d’une science a des fondements ; plusieurs scientifiques, dans différents pays, travaillent sur un même sujet, confir-mant ou infirmant des résultats, formulant des critiques, proposant des objections. Ce sont ces interactions et ces collaborations entre « chercheurs » qui conduisent aux progrès des connaissances et permettent l’émergence de nouvelles idées, voire d’une discipline scientifique et de soutenir l’autorité d’un homme qui, par son travail et ses découvertes, se distingue des autres. C’est le cas de Claude Bernard. Bernard, après quelques essais dans la pharmacie et dans les lettres, se dirige vers la médecine. Il soutient sa thèse de médecine le 7 décembre 1843, véritable travail scientifique qui a pour titre Du suc gastrique et de son rôle dans la nutrition.

Depuis 1841, il est le préparateur du physiologiste François Magendie, professeur au Collège de France à la chaire de médecine ; il lui succédera en 1855. Magendie, c’est lui qui a l’idée d’une médecine expérimentale et qui construit dans un premier temps la pensée bernardienne : étudier les fonctions normales de l’être. Bernard reconstruira l’idée, qui est la sienne, sur ce renouveau d’une médecine qui prend ses sources déjà chez François Broussais (1816) avec le concept d’une médecine physiologique rompant avec l’unique objectif d’une nosologie médicale qui nomme et décrit la maladie.

La nosolgie est nécessaire mais insuffisante pour comprendre la genèse de la maladie. C’est ce à quoi s’attaquaient les Broussais et les Magendie. La thèse de Claude Bernard de 1853, n’est qu’une étape dans son idée d’une médecine expérimentale qui s’appuie sur les faits physiologiques dans l’état de santé, en fondant le concept de milieu intérieur (1855), pour se donner les éléments nécessaires pour expliquer et comprendre le pathologique ; et cette approche de la connaissance passe obligatoirement par l’expérimentation et la vivisection ; ensuite sa thèse n’est qu’une étape dans ses recherches sur la formation du sucre chez les animaux et l’homme, puisqu’il a déjà, en 1853, publié un certain nombre de travaux qui l’ont conduit à cette découverte de la « glycogenèse » hépatique.

En fait Bernard découvre la néoglucogenèse, c’est-à-dire cette faculté du foie de transformer des substrats non glucidiques (acide gras) en glucose. Cela nous conduit à évoquer cette remarque de l’historien de Claude Bernard, Mirko D. Grmek : quand on dit que Bernard a découvert la glycogenèse hépatique « prise à la lettre, cette affirmation est fausse » mais il «était dans le vrai quant à la direction de ses recherches sur le métabolisme des sucres. » Aussi à la question qui a découvert la glycogenèse hépatique et le glycogène, la réponse doit comprendre plusieurs dates et plusieurs auteurs.

L’œuvre scientifique de Claude Bernard est une oeuvre fondatrice ; il a été un expérimentateur exceptionnel, comme le furent avant lui au siècle des Lumières des Charles Bonnet et des Lazzaro Spallanzani. Expérimentateur, Bernard introduit le terme « déterminisme » (Principes de médecine expérimentale, 1865) dans une opposition entre les expériences empiriques et « les expériences scientifiques faites d’après une idée préconçue afin de saisir dans toutes les circonstances qui accompagnent la production du phénomène celle qui constitue réellement son déterminisme et qui doit être appelée sa cause prochaine ». Ce praticien journalier de l’expérimentation a réfléchi d’une façon rationnelle sur la méthode, Introduction à l’étude de la médecine expérimentale (1865).

C’est à Henri Bergson que nous devons ces mots : « nous nous trouvons devant un homme de génie qui a commencé par faire de grandes découvertes, et qui s’est demandé ensuite comment il fallait s’y prendre pour les faire ». L’œuvre de Claude Bernard reste une œuvre formatrice pour l’esprit.

 

Jean-Louis Fischer
docteur d’État ès lettres et sciences humaines chargé de recherche au CNRS
responsable d’enseignement à la faculté de médecine Créteil-Paris 12


Claude Bernard en 1876
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