Turner fut le " personnage " le plus marquant
de la génération d'artistes anglais qui a radicalement
transformé la tradition de la peinture de paysage durant les
première années du XIXe siècle.
Il passa son enfance dans un milieu assez modeste : son père
était barbier et perruquier à Covent Garden. Dès
son jeune âge il était résolu à embrasser
la carrière artistique. Il apprit les rudiments du métier
en travaillant comme dessinateur pour divers architectes avant d'entreprendre
des études plus spécialisées dans les ateliers
de la Royal Academy of Arts.
En tant que salon principal de l'art contemporain, l'Académie
a joué un rôle essentiel dans la vie de Turner. Bien qu'il
exposât aussi ses uvres dans sa propre galerie, dans Queen
Anne St., et à l'Institut britannique, la plupart de ses uvres
- environ 260 - furent exposées tour à tour sur les murs
de l'Académie pendant environ soixante ans. Tout jeune homme
il se distingua à l'Académie, devint " Associé
" en 1799, et " Académicien " en 1802, au plus
jeune âge possible. Par la suite, il devint membre de nombreux
comités, puis fut élu professeur de perspective (1807-1837).
Les premières uvres exposées de Turner furent des
aquarelles, et il étonna très vite ses collègues
par des réalisations pleines de force avec un rendu des conditions
atmosphériques très vivant grâce à cette
méthode. Son espoir de gagner une reconnaissance plus importante
pour l'art de l'aquarelle ne le quittera pas même s'il diversifia
sa pratique artistique et commença à peindre à
l'huile. En dépit de ses techniques jugées parfois peu
orthodoxes, de nombreux connaisseurs en virent vite les possibilités
et lui passèrent commande. En 1802 plusieurs d'entre eux s'associèrent
pour lui offrir son premier voyage sur le " Continent ". Il
visita les Alpes et le Louvre (alors rempli des prises de guerres amassées
à Paris par les agents de Napoléon).
Les voyages jouèrent un rôle prépondérant
dans le développement de l'art de Turner, lui offrant les sujets
des nombreuses gravures auxquelles il travailla (presque 900 au total).
Jusqu'à la fin des guerres napoléoniennes, ses déplacements
hors de la Grande-Bretagne furent très rares. Il fut donc contraint
de limiter ses voyages aux sites les plus pittoresques du Royaume-Uni
avec un intérêt marqué pour les paysages les plus
romantiques du Pays de Galles et de l'Écosse. La paix revenue
cependant, il fit un voyage annuel à l'étranger en été.
Entre 1817 et 1845 il parcourut l'Europe en tous sens.
Il visita ainsi : les Pays-Bas, la Belgique, l'Allemagne, la France,
l'Italie, la Suisse, l'Autriche, le Danemark et poussa même une
pointe à l'Est jusqu'à Prague, dans l'actuelle République
tchèque.
Les sources d'inspirations de Turner s'inscrivaient également
dans un contexte international, renvoyant à sa profonde admiration
pour des artistes comme le Titien, Poussin et Rembrandt. Il voua un
culte particulièrement durable aux paysages de Claude Gellée,
dont l'influence sur plusieurs de ses toiles est manifeste. La profonde
admiration de Turner pour cet artiste du XVIIe siècle était
telle qu'il demanda dans son testament que deux de ses uvres soient
accrochées à côté de deux toiles du "
Lorrain " à la National Gallery.
Malgré les liens profonds qui le liaient avec les maîtres
anciens, Turner fut à l'avant-garde de la peinture moderne, poussant
sa manière de peindre et sa compréhension des couleurs
dans des voies qui inquiétèrent et effrayèrent
la critique. Celle-ci lui devint progressivement hostile, s'agissant
de sa peinture à l'huile à partir des années 1820.
Malgré tout, les critiques ne détournèrent pas
ses commanditaires et les organisateurs d'expositions, qui continuèrent
à lui demander d'illustrer des recueils de poésie, assurés,
sans aucun doute, que sa participation aux ouvrages gonfleraient substantiellement
les ventes de noms déjà célèbres comme Lord
Byron et Sir Walter Scott. Dans les années 1820 et 1830, de remarquables
estampes de paysages de Turner furent également intégrées
dans des ouvrages à la mode connus sous le nom de " Keepsakes
" qui aidèrent à mieux faire connaître son
art à travers l'Europe.
Les sources d'inspiration de Turner sont souvent tirées de la
vie contemporaine. Il célébra aussi bien Trafalgar que
Waterloo, fasciné par l'ascension et la chute de Napoléon.
Il comprit aussi très vite l'importance des progrès techniques
et les saisit sur le vif : les bateaux à vapeur apparaissent
très tôt dans ses uvres et il fut le premier artiste
à peindre avec enthousiasme et réalisme les voyages en
chemin de fer.
L'expérimentation a soutenu la plus grande partie de son travail,
soit en incluant une approche directe à partir du motif - comme
ce fut le cas chez d'autres artistes anglais entre 1800 et 1810 - soit
en lui permettant une utilisation particulièrement expressive
de la couleur. Il y a ainsi une réelle progression dans son uvre
vers une plus grande économie dans la présentation des
sujets, certains étant très flous. Les adversaires de
sa dernière manière trouvèrent face à eux
dans le jeune John Ruskin un défenseur également fervent.
Son Peintres modernes (1843) influença la critique de
Turner jusqu'à la fin du XIXe siècle.
On constata après son décès que son testament avait
été rédigé avec un manque regrettable de
clarté ce qui provoqua une longue querelle juridique entre ses
héritiers. Elle ne fut réglée qu'en 1856 : toutes
les peintures, aquarelles et ébauches trouvées dans son
atelier, et qu'on lui attribuait, devinrent alors propriété
de la Nation. C'est ainsi que 300 huiles environ et 20 000 ébauches
furent transférées à la National Gallery, à
laquelle l'ampleur sans précédent de ce legs posa de graves
problèmes. La collection " Turner " ne put jamais être
vue dans son intégralité mais par " fragments "
et ce n'est que récemment, dans les années 1970, que les
derniers objets de la collection furent enregistrés. C'est ainsi
que certaines de ces uvres qui sont considérées
aujourd'hui comme des chefs-d'uvre, comme " Norham Castle,
Sunrise " (vers 1845) ne furent jamais exposées avant
les premières années du XX e siècle.
En 1987 la nouvelle aile de la Tate Gallery (uvre de Stirling
et Wilford) a été inaugurée pour accueillir la
collection dans un environnement digne d'elle. Depuis, de nombreuses
expositions ont permis d'examiner les différents aspects de la
vie de l'artiste, ouvrant de nouveaux renseignements et assurant à
la Galerie nouvelle la maîtrise sur les études de Turner.
Quand elle ne fait pas partie des pièces ouvertes au public,
la collection d'aquarelles peut être visitée sur rendez-vous
dans la salle de dessins et gravures (tél. : 0 20 7887 8042).
Ian Warrell
conservateur à la Tate Gallery
|
Programme des manifestations
Ile-de-France
Paris (75)
8, 15, 22, 29 mars et 5 avril 2001 à 18 h 30
Cycle de conférences sur John Ruskin, qui
fut l'un des premiers admirateurs et des constants soutiens de William
Turner.
8 mars : L'il au travail : Ruskin, l'art et son histoire (Pascal
Griener - université de Neuchâtel)
15 mars : " A la recherche du temps perdu " (Antoine Compagnon
- université de Paris IV)
22 mars : Ruskin et la politique des arts décoratifs (Paul Greenhalgh
- Victoria and Albert museum)
29 mars : Ruskin, vérité, beauté et matérialité
de la peinture (Richard Wolheim - université de Berkeley)
5 avril : Robert de la Sizeranne, médiateur de Ruskin et de la
peinture anglaise ? (Stephen Bann - université de Bristol).
Lieu : auditorium du Louvre Renseignements, abonnements et réservations
auprès du Musée du Louvre, service réservation
- 75001 Paris - tél. : 01 40 20 84 00
Royaume-Uni
Londres
2 décembre 2000-11 février 2001
" The Majesty of J.M.W. Turner ; the Great
Finished Watercolours " avec un catalogue d'Eric Shanes, Evelyn
Joll, Ian Warrell et Andrew Wilton Exposition à la Royal Academy
of Art
Printemps-été 2001
" Turner's Gallery and Turner as a Collector ". Exposition
à la Tate Britain
Allemagne
Essen
Septembre-décembre 2001 Exposition "
Turner. A Retrospective ", (Catalogue d'A. Wilton), Folkwang Museum
Suisse
Zurich
Janvier-mai 2002
Exposition " Turner. A Retrospective ",
Kunsthaus. La Société des amis de Turner (The Turner Society,
BCM Box Turner, London WC 1N 3XX) donne des précisions sur toutes
les manifestations prévues pour le 150e anniversaire de la mort
de Turner
Site Internet :
http://www.turnersociety.org.uk
|