Célébrations nationales 20002000

Giorgo Vasari,
les Vies des plus excellents architectes, peintres et sculpteurs...

1550

Giorgo Vasari
Giorgio Vasari, Autoportrait (?)
Florence, musée des Offices
© AKG Paris. Photo S. Domingie

En mai 1550 sortaient des presses de l'imprimeur Lorenzo Torrentino, à Florence, les deux volumes in-4° des Vite de più eccellenti architettori, pittori et scultori italiani da Cimabue infino a' tempi nostri : descritte in lingua toscana da Giorgio Vasari, pittore aretino*. Ils comportaient près de cent cinquante biographies d'artistes, précédées d'une introduction sur les matériaux et les techniques en usage dans les trois "arts du dessin", architecture, peinture et sculpture. C'était la première histoire de l'art.

Il existait déjà de courtes biographies d'artistes, accompagnées de jugements élogieux, dans les recueils "d'hommes illustres" : celles du De viris illustribus de B. Fazio (Naples, 1456), les notices sur les maîtres toscans recueillies à Florence entre 1537 et 1542 par l'Anonyme Magliabecchiano (restées manuscrites), les Elogia en latin de Paul Jove... Il existait aussi des listes d'œuvres dans les ouvrages topographiques, comme celles du chanoine Albertini pour Rome et Florence, ou le répertoire (manuscrit) des œuvres peintes et sculptées conservées dans les collections de Venise et de Padoue, commencé à partir de 1527 par l'amateur vénitien Marc Antonio Michiel. Mais l'entreprise de Vasari, mise en œuvre à partir de 1543, n'en était pas moins totalement originale, par son ampleur et le volume des informations recueillies, et surtout par sa conception même.

Non seulement, en effet, les Vite associent, pour chaque artiste, le récit de la vie avec le catalogue des œuvres, mais, pour la première fois, le tout se trouve englobé dans une réflexion d'ensemble sur le ressort des trois arts, sur le sens de leur histoire du XIIIe au XVIe siècle et sur la dignité de leurs praticiens. Le rôle des artistes italiens dans l'histoire de l'art européen est mis en valeur avec une autorité qui marquera longtemps l'historiographie, et en fonction d'une perspective historique fournie par la continuité toscane. Vasari discerne ainsi trois étapes. La première, aux XIIIe et XIVe siècles, est celle du réveil après la longue nuit des âges byzantins et barbares. Elle est dominée par la personnalité de Giotto, souverain dans la redécouverte de la plasticité.
La deuxième étape, le XVe siècle, est celle de la maturation, placée sous le patronage de Masaccio, c'est-à-dire l'organisation de l'espace. La troisième, qui occupe la première moitié du XVIe siècle, est la période de perfection de la maniera moderna, atteinte grâce aux génies de Léonard, de Raphaël et de Michel-Ange. L'édition de 1550 s'achève sur la biographie de ce dernier, sommet et conclusion de l'évolution ainsi décrite, qui mène à la plénitude d'un art fondé sur le dessin comme véhicule d'une philosophie de l'"idée" et produit de l'activité intellectuelle tout entière.

Le succès du livre fut tel que Vasari prépara sans tarder une seconde édition, qui parut en trois volumes chez les Giunti en 1568. Un portrait (sûr ou présumé) de l'artiste, gravé sur bois, venait illustrer chaque vie, et le texte comportait des corrections, des compléments, notamment sur les artistes vivants après la mort de Michel-Ange (jusqu'à Vasari lui-même), et des réponses aux critiques suscitées hors de Florence, en particulier à Venise, par les partis pris manifestes de la première édition en faveur des artistes florentins et de la suprématie du dessin dans la définition de l'art.

Mais c'est l'édition de 1550 qui a fait de Vasari non seulement un auteur à succès mais le créateur de l'histoire de l'art. Il associait à sa capacité de théoricien un réel talent de narrateur, capable de pimenter son propos par toutes sortes d'anecdotes, de bons mots, de traits légendaires sur les artistes, recueillis dans la littérature toscane (Dante, Boccace, Bandello...) ou dans les ateliers. Au passage, il ne manquait pas d'en tirer des conclusions bien senties sur les qualités morales et mentales nécessaires aux artistes, sur le rôle du "climat" dans la créativité, etc. Ainsi se déploie une galerie de caractères et de types à laquelle la force de la mise en scène a assuré la pérennité.

Pendant trois siècles, l'ouvrage de Vasari fut une référence et même un modèle obligé, y compris pour ses contradicteurs. Aux XIXe et XXe siècles, l'historiographie de l'art a largement conservé le cadre monographique et l'interprétation de l'histoire comme mise en évidence des personnalités artistiques, tous deux hérités de l'artiste-écrivain toscan.

Anne-Marie Lecoq
ingénieur de recherches au Collège de France

* Les Vies des plus excellents architectes, peintres et sculpteurs italiens de Cimabue à notre temps, décrites en langue toscane par Giorgio Vasari, peintre arétin.


Giorgio Vasari, Bacchus. Dessin (1553)
Paris, musée du Louvre © RMN

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