Célébrations nationales 1999 1999

Marguerite de Navarre
Angoulême, 11 avril 1492 Odos-de-Bigorre (près de Tarbes), 21 décembre 1549

Quand meurt Marguerite de Navarre, son heure de gloire mondaine est déjà passée : elle n'était plus que la tante du roi régnant, qui ne l'aimait guère. Mais elle avait été la sœur chérie de François Ier, toute dévouée à ce frère cadet mort deux ans avant elle et qu'elle a tant pleuré. Même si son influence eut ses éclipses, elle fut alors - pour les courtisans, pour les diplomates et les ambassadeurs, pour les gens de lettres de toutes sortes - la "Minerve de France", la "Marguerite" (la Perle) des Princesses, docte entre toutes, experte aux affaires d'État autant que savante en doctrine chrétienne. Plus surprenant, vu son sexe et surtout son rang, elle eut aussi sa réputation de poète, laissant publier sous son nom des textes en vers, souvent nourris d'une piété tout intérieure. En 1547, elle en fit rassembler beaucoup, théâtre, longs poèmes de méditation, "chansons spirituelles", dialogue de casuistique amoureuse : ce furent Les Marguerites de la Marguerite des Princesses et leur suyte.

Mais c’est dix ans après sa mort que commence son vrai destin d'écrivain, celui d'un conteur que n'avait pu apprécier, pendant sa vie, que son proche entourage et qui fit presque aussitôt oublier le poète. Les contes en prose qu'elle écrivit pour rivaliser, de son propre aveu, avec les Cent Nouvelles de Boccace, le très fameux Décameron, n'ont pas cessé d'être édités depuis 1559. Dans ce recueil, sans doute inachevé, se succèdent des nouvelles variées de ton comme de longueur, comiques, violentes, gaillardes ou tristes, groupées en "journées", avec, pour les dire, dix personnages : ce fut là et pour longtemps, un Décaméron à la française comme le suggérait le titre donné en 1559 à ces sept journées, L'Heptaméron des Nouvelles...

Aujourd'hui rares sont ceux qui cherchent encore dans cet Heptaméron, comme on faisait jadis ou naguère, un plaisant divertissement. C'est dommage peut-être, mais une lecture plus attentive et studieuse a su retrouver le sens et l'importance des dialogues qui relient les contes entre eux. Les devisants y débattent des récits mais aussi, à tout propos, des rapports entre hommes et femmes, des pièges du langage, de l'apparence et de la vérité, voire de théologie. Ce très complexe Heptaméron devrait être enfin aimé dans sa totalité, à la fois divertissement et "livre de morale", comme a dit Lucien Febvre, à la fois tourné vers les désordres et les passions d'une société que la princesse connaissait de si près et vers le Dieu qui peuple ses plus beaux poèmes.

Nicole Cazauran professeur à l'université de Paris-Sorbonne
Un article du même auteur a été publié dans la brochure Célébrations nationales 1992 pour le 500e anniversaire de la naissance de Marguerite de Navarre.

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