Faire reculer les préjugés racistes et antisémites, c'est l'objectif du prix Ilan Halimi, qui a été décerné, le 12 février, à plusieurs initiatives collectives de jeunes gens, dont celle du Théâtre Liberté, scène nationale de Toulon. C'est aussi le titre d'un texte de la romancière Émilie Frèche que nous avions publié le 1er octobre 2018. Pour l'édition 2019 de la Semaine d'éducation et d'actions contre le racisme et l'antisémitisme, nous revenons sur cette action.

Mardi 12 février, veille de l’anniversaire de la mort du jeune homme, le prix Ilan Halimi, a été remis par le Premier ministre, en présence notamment du ministre de la Culture, à quatre équipes de jeunes gens dont les initiatives contribuent à faire reculer les préjugés racistes et antisémites.

Le lauréat du grand prix est le collège Clos-de-Pouilly, à Dijon, pour une action baptisée "Comprendre hier pour agir aujourd’hui". Pour sa part, Franck Riester, a remis un prix récompensant l’engagement de l’équipe du Théâtre Liberté, scène nationale de Toulon. "Face au racisme et à l’antisémitisme, il n’y a pas de place pour la fatalité. La jeunesse est notre raison d’espérer", a souligné le ministre de la Culture, alors que la cérémonie s'est déroulée dans un contexte de recrudescence des actes antisémites, en augmentation de 74% en 2018.

Face au racisme et à l’antisémitisme, la jeunesse est notre raison d’espérer

Pour la première édition de cette distinction, la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) a examiné plus de 70 dossiers de candidature. Réservé aux jeunes de moins de 25 ans, la sélection a retenu des projets relevant d’une multitude de domaines : culturel, artistique, sportif ou numérique. Outre le prix Ilan Halimi, quatre autres distinctions ont été également décernées.

Le prix Ilan Halimi est nommé ainsi en souvenir de la mort de ce dernier, il y a 13 ans. En janvier 2006, un groupe surnommé le “gang des barbares” avait enlevé, séquestré et torturé le jeune homme de confession juive pendant trois semaines. Découvert le 13 février 2006 près de la gare de Sainte-Geneviève-des-Bois, Ilan Halimi avait succombé à ses blessures peu de temps après son transfert à l’hôpital.

Faire reculer les préjugés

Sélectionnés par un jury présidé par la romancière Émilie Frèche, les finalistes ont présenté le fruit de leurs travaux au cours de cette première édition du prix national Ilan Halimi. Dans un texte sans concession, que nous avions publié en avant-première le 1er octobre 2018, Émilie Frèche était revenue sur la motivation du prix Ilan Halimi : "Faire reculer les préjugés". Écoutons-la :

Il pensait que les Juifs dominaient le monde. Il pensait que les Juifs volaient l’argent de l’État, qu’ils étaient tous riches, et que s’ils ne l’étaient pas, leur communauté, solidaire, paierait la rançon. Après avoir identifié des commerces juifs, boulevard Voltaire à Paris, il a donc envoyé un appât pour récolter des numéros de téléphone. Ilan Halimi a donné le sien. La fille l’a rappelé deux jours plus tard pour lui proposer de boire un verre. Des types lui ont alors sauté dessus ; ils l’ont enlevé, séquestré, torturé pendant 24 jours, puis finalement laissé pour mort le long d’une voie de chemin de fer.

“Les juifs sont riches” est un préjugé vieux comme le monde. Et un préjugé qui tue. Né de l’antijudaïsme religieux qui les obligeait à exercer des métiers liés à l’argent puisque la terre leur était refusée, il justifiera les pogroms dès le Moyen Age, puis s’adaptera à l’ère du capitalisme en accusant cette communauté de tenir les rênes de la finance Internationale, et six millions d’entre eux finiront dans les chambres à gaz – du préjugé au complot, il n’y a qu’un pas.

On espérait que le génocide des Juifs aurait débarrassé le monde de l’antisémitisme, fondé en partie sur ce cliché ancestral. C’était une erreur d’appréciation, et la mort d’Ilan Halimi, en France en 2006, nous l’a tragiquement prouvé. Créer aujourd’hui un prix national qui porte son nom, c’est prendre la mesure de cette méprise. C’est comprendre que ce préjugé est tenace et qu’à chaque génération, il faut lutter contre. Alors, luttons contre.

Combattre les stéréotypes racistes et antisémites

La création du prix Ilan Halimi, qui porte le nom de ce jeune Français enlevé, séquestré, torturé, mort en 2006 parce qu'il était juif, est l'une des mesures du Plan national contre le racisme et l’antisémitisme 2018-2020 présenté par le 19 mars 2018 le Premier ministre.  

Il récompense un travail collectif mobilisant au moins 5 jeunes de moins de 25 ans qui ont mené une action dans les champs culturel, sportif ou numérique, dans un cadre scolaire ou non, visant à lutter contre les préjugés et les stéréotypes racistes et antisémites.

Parmi les autres mesures du Plan national contre le racisme et l’antisémitisme 2018-2020, on retiendra :

  • Le lancement d’une initiative législative européenne pour imposer un retrait plus rapide des contenus illicites en ligne ;
  • La création d’une équipe nationale de réaction pour améliorer la réponse de l’institution scolaire et l’accompagnement des équipes éducatives face aux comportements racistes et antisémites ;
  • La création de deux bourses de thèse pour financer des travaux sur le racisme et l’antisémitisme ;
  • La mise en place d’un dispositif de pré-plainte en ligne pour les victimes de discriminations, d’actes racistes ou antisémites ;
  • L’expérimentation d'un réseau d'enquêteurs et de magistrats spécifiquement formés à la lutte contre la haine.