La convention « Alimentation, Agri-Culture », signée le 23 septembre 2011, a donné lieu à un accord innovant et transversal, relevant des compétences respectives de chacun des deux ministères : l’éducation artistique et culturelle (EAC), le patrimoine alimentaire, les sciences du vivant, la qualité de l’architecture et de l’environnement, le patrimoine architectural et paysager.
« Elle a pour ambition, à partir des missions confiées à leurs directions générales, établissements publics et services déconcentrés, d’aider, en lien avec les collectivités territoriales, les autorités locales et les acteurs, à élaborer une stratégie partagée de développement durable incluant l'aspect culturel. »
Le réseau des médiathèques, les centres d'archives, les musées, les monuments historiques, les villes et pays d'art et d'histoire pourront servir de relais.
En articulation avec le plan d’action pour le développement culturel des territoires ruraux, porté par le ministère de la Culture et de la Communication, les deux ministères s’engagent à renforcer :
- l’accompagnement de l’éducation et des pratiques artistiques et culturelles,
- les mises en réseaux,
- les nouvelles médiations qui interrogent le rapport au vivant, garantissent le dialogue entre nature et culture et valorisent les pratiques relatives aux arts du goût et au patrimoine gastronomique,
- la prise de conscience collective des enjeux liés aux problématiques des patrimoines,
- le réseau institutionnel et les groupes indépendants auxquels sont confiées des missions territoriales,
- les initiatives locales pour favoriser l’émergence de la création, les nouvelles technologies, le tourisme culture et la professionnalisation des artistes,
- la qualité architecturale et paysagère,
- la sensibilisation des populations rurales sur la base d'expériences pilotes comme celles des Agendas 21 de la culture.
Les champs d’application
Les champs d’application visés par cette convention sont :
- l’éducation artistique et culturelle tant pour les enfants sur le temps scolaire et hors temps scolaire que pour l’ensemble de la population rurale tout au long de la vie,
- de nouvelles médiations comme la valorisation du patrimoine alimentaire et des sciences du vivant,
- l’aménagement du territoire et le développement durable intégrant la qualité de l’architecture, des espaces et du patrimoine, et la complémentarité ville/campagne,
- la création et la diffusion s’appuyant sur les ressources et spécificités locales,
- la promotion des industries culturelles : mise en réseau des acteurs du livre, numérisation des salles de cinéma, soutien aux médias de proximité...
Les déclinaisons en région
Si la politique interministérielle est définie à l’échelon national, elle est mise en œuvre conjointement par leurs échelons déconcentrés : les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et les Directions régionales de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (DRAAF). Formalisée au niveau régional par la signature de conventions entre ces deux services, elle est animée par un référent dans chacune de ces directions.
Depuis 2011, des conventions régionales ont été signées en Alsace, Auvergne, Aquitaine, Bretagne, Basse-Normandie, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire, Picardie...
Les expérimentations régionales de la convention
Afin de porter une nouvelle dynamique à l'échelon régional de la politique culture/agriculture, une phase expérimentale a été menée depuis 2012.
Le secrétariat général du ministère de la Culture et de la Communication et la direction générale de l’enseignement supérieur et de la recherche du ministère de l’Agriculture, de l’Agro-alimentaire et de la Forêt ont lancé un appel à candidature auprès de leurs échelons déconcentrés respectifs.
L’objectif était de sélectionner des régions qui souhaitaient s’engager dans la déclinaison du protocole national sur leurs territoires et aborder l’un des aspects novateurs de celui-ci.
Six régions se sont portées candidates : l’Aquitaine, la Bretagne, la Basse et la Haute-Normandie, la Franche-Comté et Rhône-Alpes.
Les autres régions se sont engagées à développer une méthodologie de travail entre les échelons déconcentrés des deux ministères, DRAC et DRAAF, afin de poursuivre une dynamique de décloisonnement et de maillage du territoire en complément des actions culturelles menées par les lycées agricoles.
Trois des régions pilotes ont organisé des séminaires thématiques auxquels toutes les régions pilotes étaient associées :
- « Le paysage et la qualité architecturale » à Caen, à la DRAC de Basse-Normandie, les 27 et 28 novembre 2012.
La maison de l'architecture de la région a présenté une synthèse des résidences d’architectes qu’elle organise depuis 2010, à l’initiative de la DRAC, dans des lycées agricoles et des communes des Parcs naturels régionaux du Perche et des Marais du Bessin et du Cotentin.
Ce dispositif qui perdure aujourd’hui, en milieu rural et urbain, incite élus, partenaires, habitants... à reconsidérer leur espace de vie, à prendre conscience de ses atouts, de ses potentiels, et à édifier une culture commune afin de fabriquer un projet de territoire porteur de sens pour chacun.
Quelques préconisations issues de ce séminaire :
- insister sur la dimension collective et participative de la culture, travailler avec la population dans sa diversité et envisager un lien avec les acteurs éducatifs sur le temps scolaire et hors temps scolaire,
- choisir l’intervenant ou le collectif en résidence en adéquation avec les enjeux locaux et associer la commune accueillante,
- définir une méthodologie : prévoir un cahier des charges en amont, un calendrier, des rendez-vous réguliers avec la population dans un lieu de référence accessible à tous, et une restitution de l’expérience impliquant l’ensemble de la population,
- identifier tous les acteurs locaux à mobiliser (conseils en architecture, urbanisme et environnement, parcs naturels régionaux, lycées, maisons familiales rurales, fédérations d’éducation populaire, collectivités…).
- « Les nouveaux publics des territoires ruraux et l'action culturelle » en Franche-Comté (au Lycée agricole de Vesoul et dans la commune de Jussey en Haute-Saône) les 28 et 29 mars 2013.
Quelques projets particulièrement innovants d’accès au spectacle vivant pour le public isolé en milieu rural ont été présentés :
- la compagnie de théâtre lyrique et musical Justiniana forme et encadre des amateurs pour participer à un spectacle lyrique dans leur commune rurale.
- l’association départementale pour le développement et l'initiative de la musique et de la danse en Haute-Saône (ADDIM 70) organisedes spectacles dans l’espace public de bourgs isolés. A cet effet, elle utilise « la bulle », scène gonflable itinérante acquise dans le cadre du dispositif interministériel « pôle d'excellence rural ».
Quelques préconisations issues de ce séminaire :
- affirmer le rôle de relais des agents de développement territorial au sein des communautés de communes. Leur formation en ce sens devrait être renforcée,
- privilégier le terme « population » qui désigne les habitants identifiés à partir de leur lieu de résidence plutôt que « publics » qui sous-entend une sectorisation,
- prendre en compte la singularité de l’environnement local avec ses atouts et ses faiblesses et mêler la population de proximité au processus,
- formaliser un contrat de développement territorial ou une convention de développement culturel dans le but de structurer une politique culturelle dans des aires qui en sont dépourvues,
- mobiliser des financements européens qui peuvent être des leviers en matière de culture et susciter un dynamisme local.
- « Alimentation, territoires et actions culturelles » en Rhône-Alpes (au lycée du Valentin à Bourg-lès-Valence) les 7 et 8 octobre 2014.
Ce séminaire a abordé le nouveau volet de la convention interministérielle, « l’alimentation ».
A cette occasion, certaines opérations nationales et régionales ont été évoquées par :
- le ministère chargé de l’Agriculture : le nouveau « Plan national de l’alimentation », les dispositifs « Dégustons nos différences » et « Aliments passion »...,
- le ministère chargé de la Culture et de la Communication : le classement à l’UNESCO du « Repas gastronomique français », les « Sites remarquables du goût »,
- les échelons déconcentrés des deux ministères : « Voyageons avec les fruits » en Rhône-Alpes, les « Itinéraires agri-culturels » en Languedoc-Roussillon…
Quelques préconisations issues de ce séminaire :
- articuler « alimentation » et « produits » pour tisser des liens entre les habitants, les pratiques agricoles, les habitudes culinaires,
- s’appuyer sur toutes les dimensions (agro-économique, géographique, sociologique,culturelle), pourpromouvoir un « produit » ou un « terroir », et sur les travaux de l’inventaire du patrimoine et des structures patrimoniales (archives, musées…) pour valoriser le patrimoine alimentaire, et/ou ses techniques.
Une synthèse de ces séminaires et des expériences réalisées dans les régions « pilotes » devrait aboutir à mutualiser, voire modéliser des initiatives exemplaires.
Les évolutions du territoire
Le protocole « Alimentation/Agri-Culture » de septembre 2011 a pour objet de rééquilibrer les zones culturellement délaissées, qu’elles soient rurales ou périurbaines.
Il tientcompte des trois volets législatifs de la réforme territoriale : la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles du 27 janvier 2014, dite MAPTAM, la nouvelle carte des régions et la loi NOTRe.
Le premier volet, la loi MAPTAM définit la coopération intercommunale et le regroupement de communes en établissement public de coopération intercommunale (EPCI).
Cette loi prévoit :
- La création de dix métropoles :chacune regroupant plusieurs communes pour former un ensemble de plus de 450 000 habitants. La création d'un nouveau statut amorcera une clarification de l’exercice des compétences au niveau local.
Le 1er janvier 2015 avu le jour de métropoles comme Rennes, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Brest, Lille, Rouen, Grenoble, Strasbourg et Montpellier. Créée également le premier janvier 2015, la métropole de Lyon est une collectivité territoriale à part entière et dispose d’un statut particulier. Celles du Grand Paris et d'Aix-Marseille-Provence verront le jour au 1er janvier 2016.
- L’abaissement du seuil démographique des pôles métropolitains de 150 000 à 100 000 habitants (pôles définis dans la loi de décembre 2010 - article 7). Leur nombre pourrait s’élever à une cinquantaine.
- L’installation de pôles d’équilibre territoriaux et ruraux (PETR). Pendants des pôles métropolitains, ces pôles sont des outils de coopération intercommunale avec plusieurs missions dont celles d’élaborer, hors métropole, un projet de territoire (économique, écologique, culturel, social) et de promouvoir un modèle de développement durable. Ils sont coordonnés à l’échelon national par l’association nationale des pôles d’équilibre territoriaux ruraux et des pays (ANPP).
Le deuxième volet définit la carte des régions. La loi du 16 janvier 2015 substitue, à compter du premier janvier 2016, aux 22 régions métropolitaines existantes, 13 régions constituées par l’addition de régions sans modification des départements (article 1).
Le troisième volet complète cette architecture territoriale avec la publication, le 17 juillet 2015, de la loi sur la Nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe.
Cette loi répartit les compétences entre les collectivités locales et fixe à 15000 le seuil minimal d'habitants pour les EPCI. Elletient compte également des spécificités des territoires ruraux et comprend des dérogations pour les zones montagnardes et les territoires peu denses.
L’article 28A affirme la reconnaissance des droits culturels et laisse aux différents niveaux de collectivités la liberté de s’impliquer dans ce domaine. « La responsabilité en matière culturelle est exercée conjointement par les collectivités territoriales et l’État dans le respect des droits culturels énoncés par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005 »1.
Par ailleurs, le conseil national des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), présidé par le ministre de la Culture et de la Communication, est l’instance de dialogue et de concertation entre l’État et les collectivités territoriales.
Enfin, le 13 mars 2015, le comité interministériel aux ruralités préconise dans sa mesure 12 « des pratiques culturelles diversifiées au cœur des ruralités » avec pour indicateur le nombre de conventions de développement culturel formalisées entre l’État et les collectivités territoriales.
Le bilan d’étape du 14 septembre 2015à Vesoul a fait état de 351 conventions.
1 « L’enjeu est d’inscrire le principe de la liberté d’expression artistique dans la loi de la République » (irma) et le Petit guide pratique pour mettre en œuvre l’article 28
Partager la page