Si les investigations sur l'architecture du second XXe siècle datent maintenant d'une dizaine d'années, ce patrimoine reste largement moins reconnu par l'édilité et le public, d'où l'intérêt des recensements et des travaux monographiques proposés ici.
En toute logique, après la phase de recensement délimitant le corpus des ensembles et résidences à Marseille dans son extension, il s'est agit ici d'en réduire les contours pour en développer une plus grande compréhension, formalisée par les fiches monographiques. Par définition celles-ci ne rendent compte que d'un seul objet du corpus, mais l'ensemble des monographies constitue une collection portant ainsi sur une série d'objets analogues autorisant par la suite la construction de typologies, de classifications et de comparaisons.
1.1518 - Les Aygalades
Les Aygalades, 15e arrondissement
références documentaires : Patrimoine XXe, architecture domestique
n° répertoire édition X : 1518, p 45. 2005
Conception & rédaction T. Durousseau arch., 2007
désignation : Les Aygalades
traverse des Laitiers, quartier Saint-Barnabé 13015
Lambert 3 : latitude 3.03049 ; longitude 43.3515
Accès : métro n° 2 : Bougainville
bus 70 : Canebière - Saint-Exupery, bus 30 : Bougainville - La Savine
propriétaire : OPAC Sud, 80 rue Albe, 13234 Marseille Cedex 4
programme : Groupe d'habitations de 598 logements HLM.
Maître d'ouvrage : Office Public d'Habitations à Loyer Modéré des Bouches-du-Rhône.
Ensemble de 18 immeubles.
dates, auteurs : Permis de Construire 1961, livraison 1965.
Jean Rozan et Henri Faure-Ladreyt, architectes.
Entreprise, Travaux du Midi, procédé FIORIO.
site : Au sud du village des Aygalades. Altitude 78,00 à 89,00 m, pente vers le sud-ouest. Secteur d'habitation E sur le Plan d'Urbanisme Directeur de 1949.
plan de masse : Composition de part et d'autre de l'autoroute, barrettes, plots et barres distribués selon le site. Épannelage : barrettes R+1, barre R+13, plots R+8.
bâti : Procédé constructif FIORIO. Panneau préfabriqué mur et plancher, incorporant des éléments de briques creuses. Bon état général. Réhabilitation 1982-85, Claude Gros, architecte.
sources : AD : 2071 W 17 (49.790), 165 W 202, 696, 559, 7 ETP 326-330
Bruno Vaissière, Construction Déconstruction, Éd. Picard, 1988
Notice :
Le quartier des Aygalades est un des terroirs d'exception des bastides marseillaises, favorisé par l'abondance des eaux du ruisseau qui traversent la cluse voisine du village. Les bastides qui ont résisté aux différents lotissements deviennent les grandes unités foncières à partir de 1960. Bien que rachetés à la compagnie des pétroles Shell, les huit hectares du terrain sont détachés d'une bastide au bas du village. Les terrains sont traversés par l'autoroute nord de Marseille, en remblai sur cette section.
Enfin, au moment du retour des Français d'Algérie, l'opération est classée programme d'HLM accéléré visant à raccourcir les délais administratifs (accord préalable, marché gré à gré) et lié à l'utilisation d'un procédé agréé de préfabrication.
Description :
L'autoroute est sans doute un des éléments déterminant du plan de masse qui compose avec cette césure entre les deux parties du projet.
Comme souvent chez Rozan, l'ensemble recourt à plusieurs types d'immeubles distribués, ici, en composition divergente ouverte vers la mer au sud-ouest.
Sur le haut du terrain, une terrasse est bordée de grandes barres de 4 et 13 étages comportant des commerces de pied d'immeuble reliés par un auvent continu.
Au centre du dispositif se trouvent trois barrettes pliées, de deux niveaux occupées par de grands logements.
Bordant l'opération, des plots de quatre appartements par étage et de huit étages sont disposés en redents. La partie au sud de l'autoroute est constituée de cinq plots sur le même schéma.
Henri Faure-Ladreyt est sans doute le véritable auteur du projet dont l'écriture architecturale est différente de celle de J. Rozan qui approche alors les quatre-vingts ans. Aux logiques de volumes parallélépipédiques succèdent des traitements de façades qui fractionnent les échelles ou se réfèrent à de nouveaux arrangements graphiques. Une nouvelle réalité plastique apparaît dans les années soixante avec des architectes comme R. Anger et P. Puccinelli dont l'influence se fait sentir ici.
Lors de la réhabilitation de 1982, la grande barre a perdu des panneaux masques au sujet desquels Bruno Vayssière, dans Construction-déconstruction, évoque des façades réalisées sur le mode de la partition musicale Pour les plots, les fenêtres alternées et le jeu des allèges dessinent des grecques dédoublant l'échelle de chaque immeuble. On peut voir ici une sorte de dessin appliqué à un système constructif cherchant à montrer une certaine variété d'apparence à partir d'un élément répétitif.
Le procédé FIORIO mis au point dès 1947 par une entreprise de l'Aude est développé par les Travaux du Midi à partir de 1961.
Mis en œuvre dans des usines fixes (Plan de Campagne et Aubagne) sur des moules horizontaux, les panneaux d'une dizaine de m2, intègrent des éléments de céramique entre un lit de plâtre et une coulée de béton fin. Les éléments de céramique forment des poutres cloisons et leurs intervalles des nervures ; les liaisons entre panneaux s'opérent par clavetage. L'avantage est la légèreté du panneau et une certaine qualité thermique due aux alvéoles des briques. L'usine de Plan de Campagne, produira l'entièreté du chantier des Aygalades. Des défauts de fissurations et l'augmentation des exigences thermiques auront raison du procédé, après une bonne dizaine d'années au service des modèles de logements, de résidences pour étudiants et d'hôpitaux.
Les problèmes techniques des Aygalades ne seront pas sans conséquences sur la famille Rozan et la grande réhabilitation des années quatre-vingts reste assez fidèle au programme d'origine.
Auteur :
Jean Rozan (1887- 1977),
Ce Marseillais choisit à 21 ans les études d'architecture aux Beaux-Arts de Paris.
La guerre interrompt ses études, il achève son diplôme en 1919. Installé à Marseille en 1920, il réalise les bureaux de la Compagnie Paquet et la caserne de Gendarmerie du Cap Janet.
En 1936, avec la nationalisation de l'aéronautique, il construit les Usines Vertes de la SNCASE autour de l'Étang de Berre, auxquelles participera Jean Prouvé.
Il réalisera aussi le relais de TSF du Réaltor, la soufflerie du laboratoire de Mécanique des Fluides ainsi que l'institut de biochimie de Saint-Charles.
Lauréat, avec Castel, Allard, et Gensollen du concours pour le pavillon de la Provence (Exposition Internationale de 1937), il devient architecte de la Chambre de Commerce puis en 1948 architecte du Comité Interprofessionnel de Logement des Bouches-du-Rhône.
Après la guerre, il refait le socle de Notre-Dame de La Garde, partiellement détruit pendant les combats.
À partir des années cinquante, il réalise d'importants programmes de logements à caractère social, parmi lesquels :
La Blancarde, 80 logements pour le CIL, 1952,
La Marine Blanche, 120 logements avec B. Martin Chave, 1953,
Lou Trioulet, 257 logements pour l'OPHLM départemental avec P. Faure-Ladreyt, 1954,
La Paquerette, 1956,
La Résidence Les Rosiers, 727 logements pour le CIL, 1957,
Mazargues 300 logements pour l'OPHLM départemental avec P. Faure Ladreyt, 1957,
Les Tilleuls, 391 logements pour l'OPHLM départemental, 1958,
Les Olives, 431 logements pour l'OPHLM départemental, 1960.
Comme chef de groupe du Secteur Industrialisé :
La Marine Bleue, 788 logements, 1958, et
Campagne Lévêque, 806 logements, 1959,
Prado Parc, 245 logements avec P. Faure Ladreyt, 1961,
Les Aygalades, 598 logements pour l'OPHLM départemental avec P. Faure-Ladreyt, 1965.
Fichiers associés :
- Carte du 15e arrondissement de Marseille
- Notice monographique imprimable
© Thierry Durousseau, 2004-2005