Briançon - Centre médical Rhône-Azur (ancien sanatorium)
- département : Hautes-Alpes
- commune : Briançon
- appellation : Centre médical Rhône-Azur (ancien sanatorium)
- adresse : 70 route de Grenoble
- auteurs : Georges MEYER-HEINE (architecte conseil), Alphonse ARATI & Marcel BOYER (architectes du projet), Jean PROUVE (menuiseries aluminium), PERRIER (décor de céramique à l'entrée du bâtiment)
- date : 1950-1957
- protection : édifice non protégé
- label patrimoine XXe : Commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS) du 3 juillet 2013
En 1947, les Caisses régionales de sécurité sociale de Marseille et de Lyon s’associent pour créer un grand sanatorium d'altitude à Briançon, station réputée pour son climat sec et ensoleillé. Les incertitudes en matière de traitement de la tuberculose – notamment l'apparition des antibiotiques – reporteront toutefois sa réalisation de plusieurs années. Le projet est repris en 1950 avec un programme médical plus précis, l'établissement devant être réservé aux "malades du sexe masculin, porteurs de lésions de tuberculose osseuse et pulmonaire associées" (Programme, 1952). Le ministère de la Santé publique valide la construction du sanatorium Rhône-Azur – nom qui rappelle la double appartenance de l'établissement – le 8 février 1952.
Le bâtiment est implanté sur un terrain de 25.000 m² acquis après la Seconde Guerre mondiale par la Caisse régionale du Sud-Est. Adossé à la forêt communale, ce terrain présente toutefois un dénivelé d'environ 30 mètres que les architectes sauront mettre à profit dans leur projet. Il s'agit de l'un des derniers tènements d'importance de la “zone climatique” de Briançon, réservée depuis 1946 aux établissements de cure de diverses formes de tuberculose. Rhône-Azur est le dernier sanatorium construit à Briançon. À son ouverture, en 1957, il se situe au cœur d'un important complexe sanatorial dont les principaux établissements sont Les Neiges, Le Bois de l'Ours (label Patrimoine XXe), Chantoiseau et Les Terrasses. Les malades bénéficient du climat briançonnais, "tonique et exceptionnellement ensoleillé", particulièrement favorable à l'héliothérapie (ou cure solaire).
L'exigence d'optimiser le "rendement du terrain" conduit les architectes à construire en hauteur, répondant ainsi également aux nouvelles prescriptions hospitalières relatives à l'organisation en "unités de soins".
Les malades et visiteurs sont accueillis par une groupe sculpté (auteur indéterminé) placé au début du chemin d’accès tandis qu’une céramique de Perrier orne l’entrée de l’établissement.
Comme dans les sanatoriums d'avant-guerre, le "développement de façade au Midi" conditionne "le parti à adopter" et le "rendement du terrain" (Meyer-Heine 1950), d'autant plus contraint que la pente du terrain est forte. Ce développement est estimé en 1950 à 2 mètres par lit. Le plan général de l'établissement s'organise le long d'une aile perpendiculaire de liaison et de services généraux et médicaux, véritable épine dorsale du projet qui relie les différentes parties du programme entre elles, à commencer par les trois ailes d'hospitalisation : hommes non contagieux, hommes contagieux, enfants. Cette aile de liaison relie les trois ailes d'hospitalisation sur trois niveaux : 1° Niveau supérieur : circulation des malades, des médecins et des visiteurs ; 2° Niveau intermédiaire : circulation propre de la nourriture, du linge et de la pharmacie ; 3° Niveau inférieur : circulation sale du linge, des objets souillés et du rebut.
D'Ouest en Est, se succèdent ainsi : l'entrée et les services généraux, les deux ailes des malades adultes (140 lits chacune) et les services médicaux, la salle de spectacle et l'aile des enfants (72 lits). A l'Ouest, une rampe hélicoïdale en béton armé permet aux véhicules d'accéder au rez-de-chaussée – niveau des services généraux – puis au premier étage, où se situe l'entrée principale de l'établissement. La création de cette rampe permet de limiter les terrassements coûteux : elle s'enroule autour d'un large noyau abritant "l'usine" (chaufferie, buanderie, ateliers, désinfection, incinération, etc.). La partie haute du terrain, partiellement boisée, accueille les logements du personnel : 60 chambres individuelles, 24 appartements pour le personnel marié, 3 appartements de médecins et la villa du directeur.
Les deux principales ailes de cure (malades adultes) sont orientées Sud-Sud-Est afin de mieux de protéger les malades du vent et de leur offrir le meilleur panorama. Chaque aile comprend 5 étages d'hospitalisation et deux niveaux partiels qui accueillent les salles de rééducation et de réunion. Les unités de soin sont constituées de 7 salles de 4 lits. Placées de part et d'autre de l'axe central de circulation, ces deux ailes sont totalement dissociées, en plan comme en élévation, en raison de la forte dénivellation du terrain. Les deux niveaux inférieurs de l'aile placée en amont accueillent les blocs opératoires et le service des opérés (21 chambres individuelles).
L'aile de liaison se prolonge à l'Est jusqu'à celle des enfants. Protégée des vents par les deux ailes des adultes, cette section est orientée au Sud et comprend deux niveaux ainsi qu'un rez-de-jardin partiel. Chaque étage forme une unité de soin de 9 salles de 4 lits associées à une salle de jeux. La salle de spectacle est greffée sur l'aile de liaison, entre les sections adultes et enfants. Elle comprend une scène de théâtre et un système de projection en cinémascope ; au-dessus du parterre, sont aménagés deux balcons indépendants accessibles aux malades alités.
Entièrement construit en béton-armé, le sanatorium se distingue de la production d'avant-guerre par son langage formel emprunt du "rationalisme constructif" cher à Auguste Perret. Les façades arrière des ailes d'hospitalisation se composent d'une grille structurelle en béton-armé et d'un remplissage constitué de 5 panneaux toute hauteur (avec revêtement en pierre de Cipolin gris-vert) dans la largeur desquels sont disposées les fenêtres.
Les menuiseries sont très différentes selon qu'elles sont situées sur les façades de cure ou à leur revers : au Nord, où les déperditions thermiques sont les plus fortes, les menuiseries sont en chêne avec double vitrage ; au Sud, côté cure, elles sont en aluminium "système Prouvé". Ces châssis de cure répondent aux exigences de modulation des ouvrants et des protections imposés par la cure. A l'avant des galeries, des stores à projections protègent les malades du soleil matinal.
Les chambres de malades et leurs galeries adjacentes ont été conçues pour satisfaire aux conditions spécifiques de l'héliothérapie. Comme dans les sanatoriums de Paimio (Finlande, 1929, Alvar Aalto architecte) ou Zonnestraal (Pays-Bas, 1930, Jan Duiker architecte), les galeries de cure sont en porte-à-faux ; leur largeur est d'autant plus grande (3,25 mètres) qu'elle doit permettre d'y placer les lits des malades pour la cure de soleil. Le porte-à-faux supprime tout élément porteur à l'avant des galeries et permet de jouir intégralement du soleil et du paysage.
D'un point de vue architectural, Rhône-Azur mêle la conception sanatoriale classique (altitude, exposition au Sud, grand air), les théories hospitalières de l'après-guerre (organisation en unités de soins autonomes) et le langage architectural des années 1950. Ses qualités architecturales et paysagères font écho aux exigences thérapeutiques d'excellence, promues par des équipes médicales qui ont su développer en haute montagne des techniques de pointe. Il en résulte un établissement atypique, qui porte encore les caractéristiques formelles propres aux sanatoriums, mais qui, en raison de sa composition et du soin apporté à la gestion des circulations et des équipements techniques, se rattache à la meilleure production des Trente Glorieuses.
Rhône-Azur est enfin l'un des derniers avatars d'un programme architectural emblématique du Mouvement moderne. Dernier sanatorium construit en métropole1, il clôt un cycle architectural commencé en 1900 en France. Dix ans plus tard, en mai 1968, le Ministère de la Santé décrétera la fin de la spécificité des sanatoriums en ouvrant ces établissements aux malades non tuberculeux.
Aujourd’hui, le bâtiment est en bon état mais a perdu une grande partie de ses menuiseries d'origine (Prouvé) à l'exception du dernier niveau de l'aile des adultes et du rez-de-chaussée de l'aile des enfants.
Une partie des activités médicales a été délocalisée en 2005 à Gap dans un nouvel établissement (Centre Rhône-Azur) : en effet, la fermeture de ce centre médical est prévue en 2015 après la construction d'un nouveau bâtiment en contrebas de l'hôpital de Briançon (projet en cours).
1 A son ouverture en 1967, le "sanatorium" interdépartemental d'Osséjà (Pyrénées-Orientales, Louis Arretche architecte) avait perdu sa vocation antituberculeuse.
- Rédacteur : Philippe Grandvoinnet, Service territorial d'architecture et du patrimoine des Hautes-Alpes
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