Merci Monsieur le Président.

Monsieur le Président de la commission des Affaires culturelles et de l’Education, cher Bruno Studer,

Madame la Rapporteure de la commission des Affaires culturelles et de l’Education, chère Anne Brugnera,

Madame la Rapporteure de la commission des Finances, chère Marie-Ange Magne,

Mesdames et messieurs les Députés,

Le 15 avril au soir, le pays retenait son souffle, et avec lui, le monde tout entier.

En voyant la flèche s’effondrer, une pensée nous a tous traversés : l’éventualité que nous étions en train d’assister à la destruction totale de Notre-Dame de Paris.

Nous nous étions persuadés que, parce que cette cathédrale était là avant nous, elle serait nécessairement là après nous.

Si elle avait traversé huit siècles jusqu’à nous, elle saurait encore traverser les prochains.

Ce qui nous tenait devant les images de Notre-Dame embrasée, ce qui nous atteignait, nous attristait, nous terrifiait, c’était de voir cette certitude bousculée, et d’ignorer ce qui allait advenir.

C’était de voir cette part de la France se consumer, et de ne pas savoir si, oui ou non, les flammes allaient l’engloutir.

C’était de voir cette part de nous s’en aller, sans que nous puissions la retenir.

Sans pouvoir rien y faire.

Alors, très rapidement, les Français ont voulu agir.

Et notre effroi face au feu n’a eu d’égal que l’extraordinaire mobilisation qui l’a suivi.

Mobilisation de femmes et d’hommes, qui, parfois au péril de leur vie, ont arrêté l’embrasement et sauvé les œuvres.

Ce sont les sapeurs-pompiers de Paris, aidés et renforcés par leurs collègues des autres départements d’Ile-de-France, les policiers, mais aussi les agents du ministère de la Culture, de la Ville de Paris et du diocèse. Je veux très sincèrement les remercier pour leur engagement.

Si les voûtes restent encore très fragilisées, l’édifice est aujourd’hui sauvé. Nous le devons à leur professionnalisme, à leur dévouement, à leur courage.

Mobilisation des experts, des institutions, des entreprises, dont les promesses de dons et les propositions d’aide en compétences se sont multipliées.

Surtout, c’est une mobilisation populaire.

Des centaines de milliers de dons de particuliers ont afflué de toutes parts, de France et de par le monde.

Aujourd’hui encore, ils continuent de nous parvenir.

Il fallait créer un cadre pour les accueillir.

Pour accompagner, encourager, encadrer cet élan de générosité.

Pour assortir cette ferveur exceptionnelle d’un dispositif exceptionnel.

C’est le sens du projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet.  

Oui, nous rebâtirons Notre-Dame.

Le Président de la République a fixé un objectif.

Cinq ans, c’est un délai ambitieux, volontariste, qui permet de motiver les troupes et de mobiliser l’ensemble des équipes concernées, au service de Notre-Dame.

Dans cette tâche qui nous attend, nous ne confondrons pas pour autant vitesse et précipitation.

Nous devons offrir à Notre-Dame une restauration à la hauteur de sa splendeur, à la hauteur de ce qu’elle symbolise.

Sur un certain nombre de points, il y a urgence à intervenir.

Sur d’autres, nous devrons prendre le temps de la réflexion.

La situation actuelle de Notre-Dame nous impose ces deux temporalités.

Ce texte de loi parvient à les concilier.

 

Alors oui, nous voulons aller vite.

On nous a accusés d’aller très vite.

Trop vite.

Mais c’est l’élan de générosité qui est allé très vite !

Ce sont les dons pour Notre-Dame qui ont abondé très vite !

Et il fallait pouvoir y répondre tout aussi vite !

C’est ce que nous avons fait.

A présent, il faut réaffirmer la finalité de la souscription nationale dédiée, lancée par le Président de la République et placée sous sa haute autorité.

Et fixer, par la loi, les grands principes et les règles qui lui sont applicables.

Il faut pouvoir apporter des garanties de sécurité aux centaines de milliers de donateurs, Français ou étrangers.

Je veux les remercier, très sincèrement, pour leur générosité.

Ils ne seront pas trahis : leurs dons iront à Notre-Dame.

Uniquement et intégralement à Notre-Dame, à sa conservation, à sa restauration, à son entretien, à court, moyen et long terme.

Certains avancent l’idée que nous aurions déjà trop de fonds collectés, plus qu’il n’en faut pour restaurer la cathédrale.

Mais, si certains dons nous sont déjà parvenus, d’autres sont encore en attente de concrétisation.

En outre, le coût total des travaux n’a pas encore été chiffré.

En effet, pour l’instant, les travaux portent seulement sur la mise en sécurité de l’édifice – qui reste, je veux le redire, fragile au niveau de la voûte.

Permettez-moi de remercier, très sincèrement, pour leur dévouement et leur réactivité, les entreprises qui, dès le lundi soir, avec les services du ministère de la Culture, ont entrepris un travail colossal, exceptionnel, pour sauvegarder l’essentiel. Merci à elles et à toutes leurs équipes.

Ce n’est qu’ensuite que nous passerons à la phase de diagnostic, puis à la restauration elle-même.

Dans ces conditions, il est totalement prématuré d’affirmer que nous aurions des surplus à gérer.

Pour opérer cette souscription nationale, outre les versements directs à l’Etat, nous pouvons compter, depuis le 16 avril, sur la mobilisation de trois fondations reconnues d’utilité publique :

-         la Fondation de France,

-         la Fondation du Patrimoine,

-         et la Fondation Notre-Dame.

Et sur celle du Centre des monuments nationaux, opérateur du ministère de la Culture.

Je veux les en remercier.

Je tiens à rappeler que Notre-Dame de Paris est un monument historique qui appartient à l’Etat.

C’est ce qui justifie que l’Etat soit, in fine, le destinataire des dons.

Je tiens également à rappeler que le texte de loi dont nous allons débattre ne portera – évidemment – pas atteinte aux principes des lois de 1905 et 1907, c’est-à-dire : ni au principe de laïcité, ni à la répartition des prérogatives et responsabilités entre l’Etat, propriétaire de la cathédrale, et l’Eglise catholique, qui en est l’affectataire.

L’intégralité des dons passera par la souscription nationale, à l’exception de ceux qui ont spécifiquement pour objet de financer la restauration des biens religieux appartenant au diocèse ou, plus généralement, les besoins relevant de l’exercice du culte.

Il ne s’agit pas de biens culturels, mais de biens cultuels.

Des conventions pourront être passées entre l’Etat et chacune des trois fondations reconnues d’utilité publique – ainsi qu’avec certains donateurs.

Les modalités précises du conventionnement restent à déterminer.

Des amendements que nous allons examiner en ont fait l’objet : ils devraient permettre de faire progresser le texte sur ce point.

Je pense notamment à l’amendement qui prévoit que les conventions fixeront les modalités de versement des fonds par les fondations reconnues d’utilité publique ou par les donateurs.

Je suis favorable à son adoption, et je salue le groupe La République en Marche, derrière Cathy Racon-Bouzon et Raphaël Gérard, ainsi que le groupe MoDem derrière Sophie Mette, qui ont énormément travaillé sur le sujet.

Par ailleurs, dans un même souci de transparence quant à l’emploi des fonds collectés, un comité de contrôle sera mis en place.

Il réunira le Premier président de la Cour des comptes et les présidents des commissions chargées des finances et de la culture du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Ce contrôle devra se faire en articulation et sans préjudice de ceux de la Cour des Comptes.

Les collectivités territoriales et leurs groupements pourront aussi participer au financement des travaux, au-delà de leur périmètre de compétence territoriale.

L’article 4 lève toute incertitude éventuelle tenant aux règles habituelles de compétence ou à la condition d’intérêt local.

Le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin aura l’occasion de le redire : les dépenses des collectivités en faveur de Notre-Dame seront considérées comme des dépenses d’équipement.

Elles ne seront donc pas prises en compte pour appréhender le plafond annuel d’évolution des dépenses de fonctionnement de 1,2 %.

En ce qui concerne les particuliers, la loi introduit un dispositif fiscal spécifique pour accompagner leurs dons.

Je tiens à saluer le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire, et le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin, pour l’étroit travail que nous avons réalisé.

Dans la limite de 1000 euros, le projet de loi porte de 66 % à 75 % le taux de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons et versements effectués par les particuliers en faveur du Trésor public, du Centre des monuments nationaux, et des trois fondations reconnues d’utilité publique.

Ce dispositif, je le rappelle, ne concerne que les particuliers.

Il a été conçu de manière à couvrir les dons du plus large nombre de Français.

Il est précisément limité :

-         Limité dans le temps, avec un avantage fiscal qui concerne les dons effectués entre le 16 avril et le 31 décembre 2019.

-         et limité dans les montants, avec un plafond de don éligible à la réduction fiscale fixé à 1000 euros.

Ces limites n’empêchent ni de donner au-delà de cette date, ni au-dessus de ce plafond.

Mais dans ce cas, l’avantage fiscal associé au don sera celui de droit commun.

Je veux remercier les membres de la commission des finances.

Vous avez permis d’améliorer ce texte en introduisant, par l’article 5 bis, une exigence de transparence à l’égard du suivi de la souscription et de l’application du dispositif fiscal afférent.

Le Gouvernement en rendra compte au Parlement dans un rapport, qui étudiera la part et le montant des dons effectués au titre de la souscription nationale ayant donné lieu à une réduction d’impôt.

C’est une bonne chose. Et on pourrait envisager d’aller plus loin.

Merci, madame la rapporteure, chère Marie-Ange Magne ; monsieur le rapporteur général, cher Joël Giraud ; chère Bénédicte Peyrol, et cher Gilles Carrez, pour leur travail.

Plus généralement, merci à tous les membres de la commission des finances et de la commission des affaires culturelles, et à sa rapporteure, chère Anne Brugnera, qui a fait un travail remarquable.

Je sais le travail de pédagogie, de clarification, de concertation de tous les acteurs dont elle a fait preuve.

Je connais son engagement en faveur de la culture.

Le travail en commissions a été très fructueux, grâce à vous tous.

 

Sur tous ces sujets, je le disais, nous irons vite…

Mais nous ne nous précipiterons pas.

La restauration ne se fera pas dans la hâte.

Elle doit être à la hauteur, je l’ai dit et je le répète, de la splendeur de Notre-Dame de Paris.

Nous saurons prendre en compte l’avis des professionnels du patrimoine, des conservateurs, des architectes, des historiens, des universitaires, et de tous ceux qui œuvrent à l’entretien, à la conservation et à la restauration de nos monuments.

Nous saurons les écouter.

Et nous saurons leur faire confiance.

Un temps doit être laissé à la réflexion, pour nous permettre de faire tous les choix qui s’imposent, et de les faire en temps voulu.

Je veux les anticiper, tant que faire se peut, dans la loi, pour éviter d’avoir à revenir devant vous demain.

C’est le sens des articles 8 et 9 du projet de loi.

Nous sommes en train de réfléchir à l’organisation optimale pour mener à bien ce chantier au regard des objectifs fixés.

Le choix d’organisation n’est pas encore fait.

Nous nous donnons la possibilité de créer un établissement public nouveau à cet effet.

Quoiqu’il en soit, je veux en revanche affirmer devant vous trois points capitaux :

-         La maîtrise d’œuvre de ce chantier sera effectuée, dans les règles de l’art, par les architectes en chef des monuments historiques. Le Gouvernement défendra d’ailleurs un amendement qui permet de clarifier le texte de loi sur ce point.

-         Comme il se doit dans un chantier de cette ampleur, la commission nationale du patrimoine et de l’architecture sera régulièrement consultée sur l’avancée des travaux et les choix de restauration.

-         Et, quel que soit le choix d’organisation qui sera retenu, celui-ci devra permettre de prendre en compte les intérêts légitimes des principales parties prenantes intéressées à la restauration, notamment la Ville de Paris et le diocèse.

Mesdames et messieurs les députés,

Si aucune opération de restauration de monument historique n’avait encore donné lieu à une telle adaptation législative, c’est parce que nous sommes face à une situation totalement inédite dans notre Histoire.

Le chantier qui s’annonce est exceptionnel, ambitieux, et unique.

Pour le mener au mieux, nous voulons nous donner la possibilité d’assouplir certaines dispositions, essentiellement de procédure.

D’où l’article 9 d’habilitation.

Mais il va de soi que les assouplissements aux législations en vigueur seront strictement proportionnés aux besoins du chantier.

Il n’est pas question de se servir de la restauration de Notre-Dame pour piétiner le droit français et européen du patrimoine, de l’environnement, ou de l’urbanisme.

Cela n’a jamais été l’intention du Gouvernement.

Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat qui suivra.

Je veux le dire et le redire : en tant que ministre de la Culture, je serai inlassablement le garant de la protection du patrimoine.

Et j’aurai à cœur de mobiliser l’ensemble des ministres concernés.

Le travail interministériel des prochaines semaines nous permettra de définir, ensemble, les assouplissements et adaptations à prévoir.

Il y a des règles précises qui s’appliquent à la restauration du patrimoine bâti et du mobilier, formalisées dans le Code du Patrimoine, et qui correspondent aussi à l’excellence de la France dans ce domaine.

Cette excellence est reconnue dans le monde entier.

Donc il va bien sûr de soi que ces règles s’appliqueront.

J’en serai le garant : c’est mon engagement.

A chaque instant, et comme vous l’avez vous-mêmes rappelé, nous imposerons la préservation de l’intérêt historique, artistique et architectural du monument.

Nous aurons l’occasion d’examiner l’amendement qui précise le texte de loi sur ce point, avec le reste des amendements, dans quelques instants.