Merci monsieur le Président,

Madame la Présidente de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication, chère Catherine Morin-Desailly,

Monsieur le Rapporteur, cher Jean-Raymond Hugonet,

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,

 

C’est un immense plaisir pour moi d’être avec vous, aujourd’hui, pour l’examen de cette proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique.

Vous le savez, c’est un projet qui me tient à cœur depuis longtemps : dès 2011, j’avais participé aux premières réflexions sur le sujet, aux côtés d’Alain Chamfort, Daniel Colling, Marc Thonon et Didier Selles.

Malheureusement, nos préconisations n’avaient pas été suivies, et les choix politiques du début du précédent quinquennat avaient conduit à mettre ce projet en sommeil.

Mais aujourd’hui, nous y voilà.

Aujourd’hui, ce projet est enfin en passe d’aboutir.

L’adoption de cette loi permettra au Centre national de la musique de voir le jour, dès le 1er janvier prochain.

C’est un délai ambitieux.

Nous le tiendrons, en nous appuyant sur les travaux conduits :

-       Par Roch-Olivier Maistre, d’abord, dont le rapport « Rassembler la musique, pour un centre national », a été largement salué par les professionnels du secteur musical ;

-       Et par les députés Emilie Cariou et Pascal Bois. Au terme d’une large concertation avec tous les acteurs, leur rapport de préfiguration a été remis en janvier au Premier ministre, qui a affirmé son souhait de voir ce centre créé au 1er janvier 2020.

Ces travaux convergent très largement : ils ont confirmé la nécessité de créer une « maison commune » pour la musique.

La musique, c’est la première pratique culturelle des Français. C’est l’art démocratique par excellence ; un art qui permet, davantage encore que les autres, de faire tomber les barrières culturelles et sociales.

Parce que la musique a ceci d’universel qu’elle parle à chacun d’entre nous.

Parce qu’il n’y a besoin d’aucun pré-requis pour être ému par une mélodie.

Parce qu’il n’y a pas besoin de connaître l’histoire de la musique classique pour vibrer au son du violon de Renaud Capuçon.

Parce qu’il n’y a pas besoin de comprendre les paroles d’Aya Nakamura pour pouvoir les chanter.

La musique, c’est aussi un puissant levier de liberté, une clé vers l’émancipation.

Y compris dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou les zones rurales isolées.

De NTM hier jusqu’à PNL aujourd’hui, combien d’artistes sont issus de ces quartiers dont on leur disait qu’ils ne pourraient jamais en sortir ?

De Madeon à Kungs, combien de DJ ont été révélés au grand jour en postant, depuis leur chambre, des remix sur Soundcloud ou Youtube ?

Ils nous apportent la preuve – comme tant et tant d’artistes – que les professionnels de la musique de demain, ce sont les passionnés d’aujourd’hui.

A ce propos, je veux rappeler l’importance des pratiques musicales amateurs.

Monsieur le rapporteur, cher Jean-Raymond Hugonet : je sais que vous y êtes, comme moi, très attaché.

Si le Centre national de la musique a comme vocation principale de soutenir les professionnels du secteur, il sera également au service de tous les passionnés de musique, au travers notamment de ses missions d’information.

La musique, c’est enfin l’une des principales industries culturelles du pays, par son dynamisme économique et son rayonnement international.

Un rayonnement dont témoigne la présence en nombre des artistes français sur les scènes des festivals de l’été du monde entier.

Mais la musique est aussi un écosystème complexe, et parfois fragile.

En l’espace de quelques années, cette industrie s’est profondément transformée – cela ne vous a pas échappé.

Par l’essor du numérique ; par la révolution des modes d’écoute.

Par la crise du disque, qu’elle a pris de plein fouet ; par le piratage de masse.

De fait, entre 2002 et 2015, la musique enregistrée a perdu 60% de son chiffre d’affaires.

Aujourd’hui, l’industrie semble avoir surmonté la crise qu’elle a eu à traverser.

Depuis 2016, elle renoue avec la croissance, principalement grâce à l’essor de la « diffusion en flux » – le ministre en charge de la francophonie ne saurait utiliser, surtout dans cet hémicycle, un autre terme.

Toutefois, il convient de rester très prudents.

Le secteur demeure fragile, à plusieurs égards.

La diffusion en flux peut être porteuse de menaces pour la diversité musicale, avec un risque de concentration des écoutes sur quelques artistes et genres musicaux les plus populaires ; un risque renforcé par les algorithmes de recommandation des plateformes.

Plus largement, la position dominante de quelques grandes plateformes peut fragiliser l’écosystème musical.

L’essor de ces nouveaux modes de diffusion efface les frontières et accroit la concurrence internationale.

C’est une formidable opportunité pour la diffusion des artistes français à l’étranger ; mais c’est potentiellement aussi une menace pour la place de la création musicale française et francophone dans notre pays.

Le spectacle vivant musical a connu un dynamisme remarquable au cours des dernières années, malgré les attentats infâmes qu’il a eu à subir, de Paris à Manchester. Là encore, la musique a fait la preuve de son pouvoir de rassemblement et de communion.

Cependant, c’est un secteur qui est, lui aussi, exposé à un risque de concentration excessive. Il a connu l’an dernier un ralentissement de son activité, dont tout le monde espère qu’il soit purement conjoncturel.

Par ailleurs, la distinction entre spectacle vivant et musique enregistrée apparaît de moins en moins opérante.

Les acteurs conçoivent désormais leur développement artistique et économique de manière de plus en plus intégrée, dans des stratégies dites, de façon imagée, « à 360° », qui mettent le créateur, qu’il soit auteur ou artiste interprète, au centre du projet.

Ces bouleversements profonds ont fait voler en éclat les vieux clivages.

Il est temps d’en tirer les conséquences.

Il est temps de rationaliser, d’adapter, et de renforcer nos outils de soutien, d’accompagnement, et d’observation de la filière musicale.

Il est temps de les rassembler au sein d’une maison commune.

C’est tout l’objet du Centre national de la musique.

Il devra être au service de l’ensemble de la filière musicale, de toutes les esthétiques.

Les soutiens économiques qu’il mettra en œuvre seront conçus de manière à promouvoir la diversité culturelle et favoriser l’innovation.

Il placera les dimensions territoriales et internationales au cœur de son action.

Il viendra compléter et amplifier l'action que mènent au quotidien dans le domaine musical les directions régionales des affaires culturelles de mon ministère, en lien étroit avec les collectivités territoriales.

Il aura, en outre, une mission essentielle d’observation, de veille et de prospective. Les études qui seront conduites à ce titre permettront à la fois :

-       D’évaluer l’efficacité des dispositifs de soutien – je pense notamment aux crédits d’impôt, dont le Parlement a souhaité, lors de la discussion budgétaire, qu’ils soient mieux suivis ;

-       Et d’éclairer les enjeux de partage de la valeur, d’accompagnement de la transition numérique, et de promotion de la diversité musicale face aux phénomènes de concentration.

Ces études pourront ainsi nourrir les réflexions sur l’amélioration de nos mécanismes de régulation, qui resteront du ressort de l’administration centrale.

Afin de préparer les conditions de la mise en place du Centre national de la musique, j’ai installé à la fin du mois de mars un comité opérationnel.

J’en ai confié la présidence à l’inspectrice générale des affaires culturelles Catherine Ruggeri.

Par sa longue expérience dans le domaine culturel et musical, par sa connaissance de l’administration, et par sa capacité à prendre en compte les positions de tous les acteurs, elle m’a semblé être la personne la plus à même de conduire cette mission délicate.

Le comité qu’elle préside, et qui se réunit toutes les semaines depuis maintenant plus d’un mois, est composé des directeurs des structures appelées à être fédérées au sein du CNM et des services compétents du ministère de la Culture. 

En s’appuyant sur la présente proposition de loi, ce comité a pour mission de mener tous les chantiers juridiques, budgétaires, administratifs, immobiliers, informatiques et sociaux devant aboutir à la création du CNM au début de l’année 2020.

J’insiste particulièrement sur la dimension humaine du projet.

Je tiens à ce qu’une attention particulière soit portée aux salariés des différents organismes appelés à intégrer le CNM ainsi qu’aux conditions de leur transfert.

Les travaux du comité avancent à un bon rythme, et je m’en réjouis.

Je suis notamment heureux de pouvoir annoncer le lancement par mes services, en lien avec le comité opérationnel et les organismes de gestion collective, de deux études économiques :

-         L’une consacrée aux artistes,

-         L’autre, aux entreprises de la musique.

Ces études constitueront un premier jalon de la fonction d’observation du secteur dévolue au CNM.

Elles lui permettront également d’asseoir ses futurs régimes d’aides sur une base robuste de connaissance du marché et de ses acteurs, condition sine qua non de leur efficacité.

Les résultats de ces études devraient être connus avant la fin de l’année.

J’ai souhaité également, toujours dans une logique de concertation et d’adhésion, que les acteurs et les professionnels du secteur soient pleinement associés à ces réflexions.

C’est ainsi qu’un comité élargi, intégrant l’ensemble des représentants de la filière, a été créé pour échanger régulièrement avec Catherine Ruggeri et le comité opérationnel.

Il s’est réuni pour la deuxième fois en juin.

Je sais que les échanges ont été extrêmement riches et positifs, notamment sur la petite loi issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Il se réunira pour la troisième fois le 26 juillet, ce qui devrait fournir l’occasion d’évoquer le projet de décret statutaire du Centre national de la musique, qui viendra préciser les conditions d’application de la présente loi.

 

Mesdames les Sénatrices, messieurs les Sénateurs,

Je vous le disais et je le répète, ce projet me tient à cœur.

Et il me tient à cœur depuis longtemps.

Vous pouvez compter sur moi pour mettre toute mon énergie et toute ma volonté au service de sa concrétisation.

Je suis à vos côtés pour défendre la diversité de la création musicale ; cette diversité qui nous est si chère !

Ce projet, c’est un nouvel élan pour la filière musicale.

Cette proposition de loi, ce sont des garanties nouvelles pour ses acteurs.

C’est un texte cohérent et équilibré.

Et je souhaite sincèrement remercier toutes celles et ceux avec lesquels mon ministère a pu mener un travail fertile :

-         Ce sont les membres de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat,

-         C’est vous, madame la présidente, chère Catherine Morin-Desailly.

-         C’est vous, monsieur le rapporteur, cher Jean-Raymond Hugonet,

-         C’est aussi le président de la Commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale, Bruno Studer.

-         C’est enfin le rapporteur de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, Pascal Bois.

Un grand merci à tous.

J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt vos débats.

En particulier, je tiens à saluer plusieurs évolutions adoptées en commission, et que le Gouvernement soutient pleinement.

Vous avez continué – à juste titre – à élargir le champ et à enrichir les missions dévolues au futur CNM.

Je pense à la pleine inclusion des variétés, y compris l’humour et le cabaret, non seulement dans le domaine du spectacle vivant mais aussi dans celui de l’enregistrement phonographique. C’est une clarification utile.

Je suis aussi très favorable aux enrichissements que vous avez apportés dans les missions du CNM concernant la protection de l’environnement et le développement durable. C’est essentiel pour notre avenir et pour celui des générations futures. Et ce sont des préoccupations qui doivent désormais irriguer et orienter toutes nos politiques publiques.

Le renforcement des compétences du CNM en matière de recueil et de diffusion d’informations économiques et statistiques apparaît, quant à lui, pleinement cohérent avec sa dimension centrale d’observation du secteur.

Enfin, la possibilité expresse qu’auront les collectivités territoriales de conclure des contrats et de nouer des partenariats avec le CNM va dans le sens du renforcement de sa dimension territoriale.

C’est le souhait du Gouvernement, et je sais que vous y êtes très attachés.

De fait, la dynamique initiée par l’Etat, les Régions et le CNV, au moyen des contrats de filière, a vocation à se poursuivre et à être amplifiée avec le CNM.

L’examen aujourd’hui en séance publique devrait fournir l’occasion d’améliorer encore la rédaction de ce texte.

Je pense en particulier, cher Jean-Raymond Hugonet, à l’amendement que vous avez déposé pour préciser les contours de la notion de création, sans doute trop floue et surtout liée à l’univers du spectacle vivant.

Son remplacement par celles d’écriture, de composition et d’interprétation permet de renvoyer aux catégories juridiques bien établies, et chères au cœur des organismes de gestion collective, d’auteurs, de compositeurs et d’interprètes.

Le Gouvernement est donc pleinement favorable à l’adoption de cet amendement.

Naturellement, et vos débats en commission s’en sont fait l’écho, le texte dont nous discutons aujourd’hui n’a pas vocation à fixer dans le détail l’ensemble des règles de fonctionnement du futur CNM.

J’ai entendu, en particulier, l’intérêt que vous portez – à juste titre – aux questions de gouvernance et de financement.

Je suis conscient que ces deux questions sont absolument essentielles.

On ne construira pas le CNM sans un effort financier à la mesure des enjeux.

Et on ne construira pas le CNM sans une gouvernance permettant de concilier efficacité, agilité et association des parties prenantes au projet..

Mais il y a un temps pour tout :

-       Le financement du CNM sera précisé lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2020 ;

-       Et sa gouvernance sera définie dans le décret statutaire en cours de préparation.

Sur la question du financement, d’abord :

J’ai entendu les craintes de certains acteurs de la filière quant à la continuité avec le système actuel.

Il n’est pas souhaitable de rigidifier le fonctionnement par une politique de fléchage, mais il est évident que les contributeurs actuels du Centre national de la chanson, des Variétés et du Jazz (CNV) ne doivent pas voir le soutien qui leur est accordé diminuer.

En ce qui concerne plus spécifiquement la question des réserves du CNV, il est essentiel qu’elles soient employées dans le cadre du périmètre actuel de l’établissement public.

Quant à la gouvernance du CNM, qui sera un établissement public :

Elle devra être resserrée et assurer, conformément aux préconisations de la mission parlementaire, une place majoritaire à l’Etat au sein du conseil d’administration.

L’association des représentants du secteur sera notamment garantie par la présence d’un comité professionnel.

La représentation des territoires sera quant à elle pleinement assurée, que ce soit au conseil d’administration ou au conseil professionnel.

L’amendement adopté en commission élargissant le conseil professionnel aux représentants d’organisations publiques, et non plus seulement privées, va à ce titre dans le bon sens.

 

Mesdames les Sénatrices, messieurs les Sénateurs,

L’union : voilà ce qui doit présider au projet de Centre national de la musique.

Elle a prévalu à l‘Assemblée nationale, puisque la proposition de loi a été adoptée à la quasi-unanimité.

C’est le signe d’un soutien large, qui dépasse les clivages politiques.

Je m’en réjouis.

Et je ne doute pas que la même union prévaudra dans cet hémicycle.

C’est en confirmant aujourd’hui cette dynamique vertueuse que vous parviendrez – je l’espère – à un accord en commission mixte paritaire.

Un accord qui ouvrira la voie à une promulgation rapide de cette belle loi.

Un accord qui ouvrira la voie à la mise en œuvre résolue de ce beau projet.

Je vous remercie.