Monsieur le directeur du CNAP, Cher Richard Lagrange,

Mesdames et messieurs les représentantes et représentants des établissements et manifestations culturels partenaires,

Mesdames et messieurs, chers amis,

Le graphisme est au cœur de notre culture visuelle. Signature qui donne à l’image, aux choses et aux mots une fonction symbolique et une identité visuelle propres dans cet immense « empire des signes » qu’évoquait Roland Barthes, il contribue à réinventer les mythologies de nos quotidiens.

Parmi les identités visuelles qui ont durablement marqué notre imaginaire, on peut penser aux affiches publicitaires, pour le paquebot Normandie notamment, de celui que Cendrars appelait « le premier metteur en scène de la rue », Cassandre ; aux affiches publicitaires de Savignac pour des produits du quotidien comme Mon Savon, Bic ou Aspro ; au travail de Jean Widmer pour les Galeries Lafayette ou le Centre Pompidou; aux affiches politiques de Grapus pour la CGT ou le parti communiste dans les années 70 ; à l’identité visuelle de Canal + avec Etienne Robial et à tant d’autres encore plus récemment encore.

Avec « Graphisme en France 2014 » ce sont les mythologies d’aujourd’hui et de demain que nous construisons et permettons au public de découvrir.

Cette manifestation répond à une triple ambition : célébrer les 20 ans d’une revue de référence pour le secteur, fédérer les acteurs majeurs du design graphique en France dans une logique de réseau et sensibiliser un large public, passionnés ou curieux, visiteurs de passage ou professionnels, aux savoir-faire et aux nombreux métiers du graphisme.  

Je tiens à saluer tous ceux qui se sont mobilisés autour de cet événement fédérateur qui illustre une ambition partagée par de nombreux acteurs: le CNAP qui orchestre cette manifestation en lien avec le ministère de la Culture et de la Communication, la Saison graphique du Havre,  le Festival international de l’affiche et du graphisme de Chaumont, le Mois du graphisme d’Échirolles, les Rencontres de Lure, le Musée de l’imprimerie de Lyon, la Gaîté Lyrique (qui expose en ce moment les expériences sur le bonheur de Stefan Sagmeister), les Arts Décoratifs (qui présentent jusqu'en mars une très belle exposition sur Philippe Apeloig), la Fête du graphisme créée cette année à Paris ainsi que les écoles supérieures d’art et de design et plus particulièrement l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, l'Ecole des Beaux-arts de Lyon et l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg.

Nous avons récemment pu prendre toute la mesure du poids économique et de la vitalité de la culturelle visuelle grâce à l’étude sur l’impact économique de la culture qui m’a été remise.

Cette étude a permis de faire la lumière sur le rôle majeur des arts visuels qui produisent une valeur ajoutée de 5,7 Mds d’euros, soit 10% du total des activités culturelles. C’est considérable et je suis convaincue que le redressement créatif de notre pays passe par la vitalité de notre culture visuelle. C’est d’ailleurs tout le sens de la politique nationale en faveur du design que nous menons avec Arnaud Montebourg depuis 2013.

Afin de mieux soutenir et valoriser ce secteur d’activité prometteur, j’ai voulu orienter l’action de mon Ministère autour de trois enjeux majeurs :

Tout d’abord, les écoles d’art et de design.

C’est notamment dans les écoles qui relèvent du ministère de la Culture  et de la Communication que sont formés les graphistes de demain et que se définissent aussi les nouveaux enjeux de la profession.

Parce que le numérique a considérablement transformé le graphisme et ouvre des possibilités multiples, il est important que nos écoles disposent d’un matériel numérique de pointe pour mieux se saisir de toutes ces nouvelles possibilités. Le Ministère y est particulièrement sensible et je salue à cet égard le partenariat que vient de nouer l’ENSCI avec l’entreprise innovante « Fabshop » pour permettre aux élèves de manipuler et de travailler sur des imprimantes 3D.

Je souhaite aussi développer les passerelles entre les filières du ministère de l’Education nationale et du ministère de la Culture et de la Communication pour une meilleure insertion professionnelle des étudiants et une plus grande fluidité de leur parcours. A ce titre, je désire aussi que nous travaillions à une meilleure reconnaissance des diplômes de nos écoles avec une réforme du premier cycle pour qu’à terme le diplôme obtenu donne grade de licence ainsi qu’une réforme des post-diplômes et particulièrement du doctorat.

Enfin, je souhaite que nos écoles s’ouvrent davantage aux échanges internationaux pour que nous étudiants puisent bénéficier de programmes de mobilité internationale et se familiariser avec les enjeux du graphisme à travers le monde.

La reconnaissance de la profession, ensuite.

Pas de graphisme sans graphistes, les passeurs de sens et les « mythologues » modernes, pour reprendre l’expression de Barthes.

Le ministère de la Culture et de la Communication s’emploie quotidiennement à mieux faire connaître et à soutenir tous les métiers du graphisme car il est important, dans ce secteur riche de sa diversité et de la multiplicité de ses usages, de dépasser le cloisonnement entre les disciplines et une quelconque hiérarchisation des métiers.

J’ai voulu sécuriser la place des designers indépendants, au premier rang desquels les designers graphistes, au sein du régime social des artistes-auteurs, y compris ceux qui travaillent en trois dimensions, pour que ce régime couvre l’ensemble des créateurs. Un rapport en ce sens m'a été remis, ainsi qu’à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé et à Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des Finances, chargé du Budget. Une concertation est engagée avec les organisations professionnelles.

D’autre part, j’ai souhaité que les designers graphiques soient inclus dans  le travail mené par la DGCIS et la DGCA pour la constitution d'un référentiel de métiers qui sera publié très prochainement. Les organisations professionnelles, les entreprises employant ou faisant appel à des designers, devront s'emparer de cet outil pour le faire vivre et mieux prendre en compte la place et l'apport des designers dans l'industrie et les services.

Enfin, j’en suis convaincue, la reconnaissance et la valorisation de la profession passent par l'instauration de bonnes pratiques du côté des commanditaires et en premier lieu des commanditaires publics.

Je  souhaite que le ministère de la Culture et de la Communication assume son rôle d’exemplarité et prenne pleinement sa place dans cette reconnaissance de l’ensemble des professions du design et dans l’instauration de bonnes pratiques. J’ai ainsi souhaité développer avec les professionnels une "Charte Haute Qualité Design" qui vise à mettre en place une démarche design vertueuse au sein des organisations. Le Ministère doit être exemplaire en la matière, j’y veillerai. Ces bonnes pratiques vont être étendues à l’ensemble des établissements publics sous tutelle du Ministère et aux DRAC. J’enverrai prochainement une circulaire aux dirigeants des établissements et aux DRAC en ce sens. Ces bonnes pratiques doivent aussi s’étendre à l’ensemble des commanditaires publics. C’est un des enjeux interministériels de la mission Cadix avec lequel je sensibiliserai Bercy qui est en charge des règles relatives aux marchés publics.

Pour aller dans le sens de cette politique, le CNAP va mettre en place des "Salons graphiques" qui permettront aux commanditaires, aux designers graphiques et aux chercheurs de se rencontrer et d'échanger. Les écoles d’art et de design seront systématiquement associées au projet. Les salons se tiendront dans plusieurs lieux en France, à Bagnolet, à Bordeaux, à Marseille et à Roubaix.

L'édition d'un guide de la commande de design graphique, élaboré par le CNAP en collaboration étroite avec l’Alliance Française des Designers, constituera un outil que je compte diffuser largement sur l’ensemble du territoire national.

Le troisième axe de ma politique, enfin, concerne la diffusion et la circulation auprès du public.

C’est tout l’enjeu de cette manifestation qui s’inscrit pleinement dans l’action que j’ai engagée en faveur d’une culture du design. Elle sera plus largement interministérielle cette année.

Je suis très heureuse que les vitrines le long des allées du jardin du Palais-Royal mettent ainsi en lumière les différents aspects du design graphique. C’est un premier pas vers un projet national de diffusion et de valorisation des collections de design que nous construisons en ce moment, en partenariat avec le CNAP et d'autres acteurs publics du design.

Les enjeux du design graphique doivent être compris dès le plus jeune âge. Vous le savez, l'éducation artistique et culturelle est une priorité pour moi, je remercie donc le CNAP pour son kit pédagogique gratuit à destination des enseignants, qui sera disponible à la rentrée 2014, pour enseigner l’histoire du graphisme ou travailler sur l’identité visuelle et toutes les formes de graphisme en classe.

Pour que, dès le plus jeune âge, nos concitoyens prennent toute la mesure de tous ces signes qui nous entourent dans notre vie quotidienne, comme par exemple à la télévision et sur tous nos écrans, sur les emballages de produits ou sur une feuille d'impôt ; de tous ces signes qui nous guident, comme dans l’espace public qui sans eux ne serait qu’un vaste labyrinthe où nul ne pourrait se diriger et se repérer sans le connaître par cœur.

Loin d'être seulement un acte neutre ou purement esthétique, le design graphique est l'instrument qui permet l'accessibilité et l'intelligibilité des informations. Aujourd’hui, à l'ère du numérique, alors que l'accès à l'information se démultiplie et se transforme, le designer graphique a une responsabilité importante de passeur, de médiateur entre le contenu, le message et la forme, une véritable "civilité", pour le dire comme Michel Wlassikoff, l'historien du graphisme, alors qu’il ordonne et hiérarchise l’infinité des signes et des sollicitations visuelles qui composent notre quotidien.

Aujourd’hui nous fêtons le graphisme sous toutes ses formes, qui renoue dans son essence avec l’acte poétique par excellence : celui de créer et de faire surgir dans l’épaisseur des signes, des  imaginaires et des significations qui donnent aux choses et aux mots une toute nouvelle dimension. C’est ainsi que Baudrillard disait que les inscriptions graphiques et stylisées sur les murs de nos villes transcendaient leur usage : « Finie la quadrature des murs, lorsqu’ils sont tatoués comme des effigies archaïques... Quelque chose de la ville redevient pariétal».

Je vous remercie.