MNR, "Livres pillés, lectures surveillées"
En octobre 2008 paraissait un ouvrage aussi remarquable que novateur, intitulé Livres pillés, lectures surveillées Les bibliothèques françaises sous l'occupation sur la spoliation des livres et des bibliothèques. Dû à Martine Poulain, directrice de la bibliothèque de l'Institut National d'Histoire de l'Art (INHA), il était publié par les éditions Gallimard dans la collection NRF Essais (ISBN 2070122956).
Le format de cette publication interdisait de reproduire des tableaux synthétiques récapitulant la liste des personnes dont les livres ont été spoliés et la liste des institutions dont les bibliothèques ont été spoliées. Ces listes figurent sur le site de la Commission française des archives juives, accompagnées d'un commentaire de présentation et de la critique de l'ouvrage par Gisèle Sapiro parue dans Le Monde des livres le 24 octobre 2008.
Introduction :
On sait l'ampleur des pillages des collections d'art en France par l'occupant nazi.
Nul n'ignore plus l'existence des listes Otto . les auteurs juifs ou antinazis, qui devaient être à jamais bannis de tout catalogue . et que le syndicat des éditeurs français appliqua dès les premières heures de l'Occupation avec un zèle certain.
Personne, avant Martine Poulain, ne s'était inquiété du devenir des bibliothèques dans la France de 1940 à 1944. Une France qui est à la fois celle de l'occupant nazi et celle du régime de Vichy.
À la différence des archives des ministères (Guerre, Affaires étrangères, Intérieur, Justice) et des musées, peu de bibliothèques publiques sont l'objet du pillage des occupants, à l'exception des bibliothèques alsaciennes et mosellanes, germanisées et propriétés du Reich. Le vol de masse, nazi mais aussi vichyste, frappe, dès juin 1940, les grandes bibliothèques institutionnelles juives, slaves, maçonnes, mais aussi privées, celles des premiers ennemis du Reich (les grandes familles juives, les Allemands exilés, les hommes politiques du Front populaire). Puis le pillage des bibliothèques devient l'accompagnement ordinaire des rafles' Plus de dix millions de livres prennent sous l'Occupation le chemin de l'Allemagne. Martine Poulain a constitué une première liste des personnes spoliées de leur bibliothèque . près de 1 700 noms'
Le régime de Vichy, de son côté, surveille les livres, les bibliothèques et les lecteurs, sous la houlette d'une Bibliothèque nationale devenue parangon de l'ordre nouveau, instrument de la collaboration d'État, aux mains de Bernard Faÿ, qui mène une lutte obsessionnelle contre la franc-maçonnerie sous couvert d'un « Musée des sociétés secrètes ». Martine Poulain esquisse les portraits de quelques grandes figures, notamment Jean Laran, conservateur des Estampes, administrateur de la Bibliothèque nationale lors de l'invasion et de la Libération, et Marcel Bouteron, inspecteur général, deux délicieux érudits à l'éthique infaillible, qui surent, face à la brutalité, la bêtise et la mesquinerie des temps, dire le chemin juste et agir dans la droiture.
Commentaires sur les listes
Les listes présentées ici ne peuvent être comprises qu'à la lecture du livre qu'elles illustrent et complètent (Martine Poulain, Livres pillés, lectures surveillées. Les bibliothèques françaises sous l'Occupation, Gallimard, NRF Essais, octobre 2008, 587 p., 22.50). Elles ont été entièrement établies par l'auteur de ce livre, reconnaissante à la Commission des archives juives et à son président Jean-Claude Kuperminc pour leur soutien (Emmanuelle Polack et Aude Valérien ont contribué à leur achèvement).
Ces listes ont été effectuées à partir des dossiers de spoliation de livres conservés aux Archives nationales (AN F 17 17783 à 17994), au ministère des Affaires étrangères (collections de la Récupération artistique, Sous-commission des livres) et à partir du Répertoire des biens spoliés en France durant la guerre de 1939-1945. Tome VII. Archives, manuscrits et livres rares, Berlin, imprimerie nationale, 1ère éd' 1947, 2e éd' 1948, supplément 1949.
Les dossiers de restitution de livres contiennent en général la liste précise des livres qui sont rendus, après identification grâce à tout type de marques de propriété. Ont également été établis des dossiers d'attribution de livres aux spoliés qui en avaient grand besoin : en effet, tous les livres revenus d'Allemagne ou retrouvés sur le territoire français ne portaient pas nécessairement de marques de propriété. Après quelques mois d'hésitation, l'Office des biens et intérêts privés et la sous-commission des livres à la Récupération artistique acceptèrent d'effectuer des attributions de livres non précieux dont les propriétaires n.étaient pas non identifiables. Certains spoliés ayant déposé un dossier de spoliation n.ont jamais bénéficié d'aucun livre, ni en restitution ni en attribution. Dans ce cas, il est indiqué : ni restitution ni attribution.
Deux listes distinctes ont été établies : une pour les personnes privées, une pour les institutions ou organismes spoliés.
La liste des personnes comporte quelques 1660 noms de spoliés auxquels ont été restitués ou attribués 172 812 livres. Ces noms sont issus de mentions manuscrites, parfois difficilement lisibles, souvent approximatives, et, à l'exception d'environ 10 % des cas, sans indication de la profession des personnes, avec leur seule adresse. Nous nous sommes efforcée de mentionner les professions des personnes les plus connues, pour lesquelles le risque d'erreur était minime. Nous avons rétabli les noms exacts lorsque les erreurs étaient évidentes, mais sans pousser trop loin la tentative d'identification, les homonymies pouvant être fréquentes. Nous avons donc la plupart du temps choisi de citer les noms, prénoms des spoliés, de leurs ayants-droit ou de leurs mandataires tels qu'ils apparaissent dans ces listes. Nous espérons que les familles des spoliés reconnaîtront les leurs et nous aideront au fil du temps à mieux les identifier et à préciser ces listes.
La liste des institutions spoliées comporte quelques 392 institutions auxquelles ont été restitués ou attribués au moins 103 517 livres. Certaines de ces institutions (les lycées et les bibliothèques municipales notamment) n.ont pas fait directement l'objet des spoliations nazis ; les livres qui leur sont rendus avaient sans doute, dans un certain nombre de cas, été empruntés par des spoliés et ont été saisis avec le reste de leur bibliothèque.
Enfin, un grand nombre de spoliés n.apparaissent ni dans les listes de restitution, ni dans les listes d'attribution, ni dans le Répertoire des biens spoliés, soit qu'ils soient morts dans les camps de concentration, en fuite ou en exil, et que leurs descendants n.aient pas cherché à récupérer leurs bibliothèques, soit qu'ils se soient exilés définitivement et qu'ils aient choisi d'oublier tout ce qu'ils avaient dû laisser, soit enfin que les bibliothèques, de moindre importance que celles en général évoquées dans les listes n.aient pas représenté un enjeu majeur pour leur survie, lors de leur retour, et qu'il aient pu continuer leur vie sans les livres de leur vie.
Pour toute question ou information concernant ces listes, écrire à : livresspoliés@cfaj.asso.net, qui transmettra.
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