En 1979, exposant les circonstances de la dation Pablo Picasso, Maurice Aicardi, alors président de la Commission interministérielle pour la conservation du patrimoine artistique national, n’hésitait pas à parler de « miracle ».
Miracle, car non seulement depuis la loi sur les dations de 1968 et son décret d’application, le cadre réglementaire existait, et la collection était aussi exceptionnelle, aboutissant « à un moment de convergence unique entre sphère privée et publique », selon Juliette Pozzo, chargée de recherche au musée national Picasso.
Miracle, également, si l’on songe à la faible quantité d’œuvres de Pablo Picasso présentes dans les collections publiques auparavant : trois seulement avant la Seconde Guerre mondiale, 500 après la dation.
Avant l’ouverture du musée en 1985, la collection a voyagé partout. Personne avant cela n’avait vu le travail de Picasso de cette façon. L’identité du musée Picasso, c’est sa collection et sa dation
« L’identité du musée Picasso, c’est sa collection et ses dations »
203 peintures, 158 sculptures, 16 papiers collés, 29 tableaux reliefs, 88 céramiques, 3000 dessins, mais aussi des ouvrages illustrés, des manuscrits et des œuvres d’arts premiers appartenant à la collection personnelle du peintre, les œuvres réunies lors de cette première dation – deux autres suivront, celle de Jacqueline Picasso en 1990, et celle des héritiers de Dora Maar en 1998 – sous la houlette de Dominique Bozo, conservateur des musées de France, de Maurice Rheims, commissaire-priseur en charge de l’inventaire des biens, et de Pierre Zecri, administrateur judiciaire en charge de la succession, en concertation avec les héritiers, aboutissent à la plus grande collecte d’œuvres de Pablo Picasso. « L’intérêt artistique primait sur l’intérêt tout court. Les œuvres choisies doivent tout à l’expertise de Dominique Bozo », se souvient Christine Piot, qui faisait partie du « trio d’historiens de l’art », réuni autour de Maurice Rheims.
« Donnez-moi un musée et je le remplirai »
Parallèlement, il est décidé que l’Hôtel Salé, dans le Marais, accueillera cette collection d’exception. « Le groupe de travail nommé par l’Etat en vue de la préparation de la dation a envisagé dès le départ ce que serait ce musée pour le public et la compréhension de l’œuvre. L’objectif était de ne rien disperser et de donner à voir toutes les techniques utilisées par l’artiste, le musée conservant des jalons de chaque période », indique Juliette Pozzo. « Avant l’ouverture du musée en 1985, la collection a voyagé partout. Personne avant cela n’avait vu le travail de Picasso de cette façon. L’identité du musée Picasso, c’est sa collection et sa dation » poursuit Marie-Laure Bernadac, conservatrice générale du patrimoine, qui a travaillé à la préparation du musée. Un témoignage qui donne raison au célèbre mot du peintre : « Donnez-moi un musée et je le remplirai ».
Quelques chefs d'œuvre entrés par dation
1972 > Jean Honoré Fragonard, "Portrait d'un homme de lettres, anciennement identifié à Denis Diderot", vers 1769
1982 > Johannes Vermeer, "L'Astronome", 1668
1984 > Marcel Proust, neuf cahiers manuscrits
1987 > Martin Carlin, Secrétaire Louis XVI
1991 > Statue de "Christ en croix"
1991 > Henri Matisse, ensemble de sculptures & peintures
1995 > Willem de Kooning, Sans titre
1995 > Jean-Jacques Rousseau, "Les Dialogues", manuscrit autographe, 1772
1998 > Montesquieu, Ensemble de manuscrits et sa bibliothèque
2002 > Jean-Henri Riesener, Commode du cabinet de Marie-Antoinette, à Marly, 1782
2004 > Charlotte Perriand, prototype du fauteuil Grand Confort, 1928
2005 > Eugène Viollet-le-Duc, archives de l'architecte
2007 > Francis Bacon, "Female nude standing in a doorway", 1972
2007 > Mark Rothko, Untitled (black, red over black, on red), 1964
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