Parcours de visites, éducation artistique et culturelle, actions vis-à-vis des publics empêchés… la réouverture du musée des Beaux-Arts de Dijon rebat les cartes en matière d’action culturelle. Entretien avec Florence Monamy, sa responsable de l’action en direction des publics.

Le musée des Beaux-Arts de Dijon a toujours eu un riche programme d’activités culturelles. Quels sont les changements envisagés depuis la réouverture du lieu ?

Il faut d’abord signaler que le musée est resté ouvert pendant toute la durée des travaux. Ce qui signifie que nos activités n’ont jamais été interrompues, même si nous avons dû composer au fil du temps avec le calendrier de fermeture des salles. De 2015 à décembre 2018 par exemple, quatorze salles étaient encore ouvertes – des salles magnifiques dédiées aux collections médiévales et Renaissance, comprenant de nombreux chefs d’œuvre, en particulier les Tombeaux des ducs de Bourgogne et les retables de la chartreuse de Champmol. Pour autant, nous attendions avec impatience la réouverture du musée, parce que nous savions à quel point cela ouvrirait un magnifique champ des possibles. C’est exactement ce qui est en train de se produire. Depuis l’ouverture, les médiateurs et les plasticiens qui travaillent au musée rivalisent d’idées. Nous retrouvons des œuvres, que l’on pratiquait encore il y a une dizaine d’années, et qui pour certaines avaient été mises en réserve ou en restauration, et cela nous permet de repenser notre action auprès des publics et d’envisager de nouvelles activités.

Le parcours unifié qui accompagne désormais la découverte des collections agit-il comme un fil rouge pour la mise en place des activités ?

En effet, la cohérence – et l’actualisation – du parcours muséographique a donné un nouveau souffle aux activités en direction des publics. Aujourd’hui, retrouver ces lieux, ce parcours unifié avec une lisibilité chronologique mais aussi une nouvelle scénographie – le lieu est baigné de lumière, les espaces sont grands, une belle réflexion a été faite autour de la lumière dans les salles, et des couleurs sur les cimaises et les murs – c’est découvrir un espace totalement repensé, agréable tant pour nous qui travaillons que pour les publics, quels qu’ils soient, qui depuis l’inauguration le 17 mai dernier nous adressent déjà de très bons retours.

Quelles sont les œuvres que vous redécouvrez à la faveur de cette rénovation ?

Personnellement, je suis particulièrement attachée aux œuvres du XVIe et XVIIe siècles que nous n’avions plus vues depuis 2015, certaines étant parties en restauration. Redécouvrir La dame à sa toilette de l’École de Fontainebleau, une œuvre emblématique de nos collections, dans un nouvel environnement et une nouvelle muséographie, est un grand bonheur. Je pourrai également citer Le château de Mariemont de Brueghel le Jeune et La présentation au temple de Philippe de Champaigne. Dans un autre registre, quelle émotion de revoir la salle des statues après le travail de restauration saisissant qui a été réalisé sur les sculptures, les marbres mais aussi le plafond peint par Prud’hon. Toutes les œuvres du XIXe siècle sont également très intéressantes. On est à la fois sur un accrochage chronologique et thématique, avec notamment une salle dédiée à la peinture d’histoire et une autre au réalisme, avec des œuvres phares, comme Le Cantique des cantiques de Gustave Moreau, ou Le Mont de Piété de Ferdinand Heilbuth. D’une façon générale, cette nouvelle muséographie nous permet d’avoir plus de recul sur les œuvres, de les aborder sous un nouvel angle pour tous nos publics.

Le musée n’a pas attendu d’être rouvert pour s’adresser au public scolaire…

Pour l’année scolaire 2018-2019, la direction des musées de Dijon a déjà accueilli 18 000 élèves, et le musée des Beaux-Arts, 7500 élèves à lui seul. C’est un chiffre significatif. L’intérêt des scolaires n’a jamais faibli même dans un contexte d’ouverture partielle. Depuis que l’ouverture est annoncée, le service des réservations croule sous les demandes. Nous sommes très attachés aux actions relevant de l’éducation artistique et culturelle et participons à de nombreux projets, tel le dispositif « La classe l’œuvre » adossé à la Nuit des musées. Comme vous avez pu le constater, l’inauguration du musée a eu lieu la veille de la Nuit des musées. Cette année, quatre classes du CP au CM2 de l’école élémentaire Colette, située dans un quartier faisant partie du réseau prioritaire d’éducation, ont travaillé sur le thème du portrait de l’Antiquité à nos jours. Une dizaine d’élèves ont joué les médiateurs d’un soir lors de la Nuit des musées. Ils ont été formidables. Les travaux seront exposés jusqu’à début juin afin qu’un maximum de personnes puissent les voir. Nous avons d’ores et déjà de très bons retours de la part du public. Ces actions sont gratifiantes pour tout le monde, en premier lieu pour les enfants bien sûr, mais aussi pour les enseignants, et pour nous qui contribuons à cet éveil artistique.

Autre domaine important : l’action en direction des publics empêchés.

Rendre la culture accessible à tous est une priorité, nous tenons plus que tout au musée inclusif. Nous proposons des actions adaptées – des visites en audio-description, des visites tactiles par exemple – et un certain nombre de médiateurs et de plasticiens sont formés à l’accueil des personnes déficientes visuelles, auditives, et mentales. Nous accueillons des personnes en situation de handicap moteur dans notre musée, qui est, c’est important de le signaler, totalement accessible. Nous nous adressons aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Cet accès à tous les publics concerne également les publics qui sont socialement empêchés. Nous allons à leur rencontre, notamment dans les quartiers faisant partie de la politique de la ville. Enfin, nous avons des projets à la maison d’arrêt et au Centre hospitalier universitaire de Dijon. Le 5 juin par exemple, notre première nocturne depuis la réouverture sera consacrée à la redécouverte de l’école de dessin de François Devosges à l’origine du musée des Beaux-Arts. Il s’agit d’un très beau projet que nous avons monté avec l’Acodège, une association qui intervient notamment auprès d’un public d’adultes souffrant de déficiences mentales. Ce public, qui a travaillé toute l’année, va faire revivre l’école de dessin et présenter ses travaux.

Quelques exemples d’autres projets dans les prochains mois ?

Nous ne nous sommes pas arrêtés au week-end inaugural. Toute une programmation culturelle, qui se poursuivra jusqu’à la mi-octobre, a été conçue pour célébrer l’ouverture. Pour ne citer que quelques temps forts, nous accueillerons les 15 et 16 juin Pascal Quignard et Florence Delay qui présenteront le premier Le souffleur à la lampe  de Georges de La Tour, la seconde, une toile anonyme de l’Ecole de Fontainebleau dans le cadre des rencontres littéraires Clameur(s). Un concert autour de l’exposition Yan Pei-Ming aura lieu le 6 juillet, une déambulation à l’intérieur et à l’extérieur du musée sera organisée le 21 juillet… Notre objectif, à terme, est d’accueillir 400 000 visiteurs par an.