Samedi 9 juin, le monde des archives poursuit sa "saison féminine" avec l'organisation, par le service interministériel des archives de France (SIAF), d'une nouvelle édition de la Grande Collecte entièrement dédiée aux femmes. A cette occasion, nous republions l'entretien que nous avait accordé Françoise Banat-Berger, directrice des Archives nationales, au sujet de l'exposition sur le site de Pierrefitte-sur-Seine : "Aux Archives, citoyennes !"

L’exposition « Présumées coupables » l’an dernier, le cycle « Aux Archives, citoyennes ! » cette année, les Archives nationales, à travers leur programmation, ne cessent de mettre les femmes à l’honneur.

Quand nous nous sommes installés sur le site de Pierrefitte-sur-Seine, nous avons tout de suite eu des liens étroits avec l’Université Paris VIII en pointe sur la question du genre. Pour cette raison, nous avons, dès 2013, fait des archives de genre un axe de travail majeur de notre programme scientifique et culturel.  L’an dernier, l’exposition, "Présumées coupables" qui retraçait l’histoire des femmes qui, depuis le Moyen-Age, ont été confrontées à l’institution judiciaire, a eu beaucoup de succès. Parallèlement, le ministère de la Culture a commandé un rapport sur les archives des femmes à l’historienne Françoise Thébaud qui a réuni autour d’elle de nombreuses institutions et associations. Au moment de la remise du rapport, les Archives nationales ont accueilli plusieurs tables-rondes où se sont exprimés, d’un côté, les institutions, représentées dans toute leur diversité, de l’autre, des donateurs, qui ont expliqué le sens que revêtait pour eux cet acte de donation. Les débats ont été passionnants. C’est dans ce cadre que nous avons décidé, en ayant aussi à l’esprit la volonté de nouer des partenariats avec les communes voisines et les associations de Pierrefitte-sur-Seine, de lancer le cycle "Aux Archives, citoyennes !"  

Aux Archives nationales, on trouve des fonds très riches sur l’histoire des femmes, notamment les fonds emblématiques de Simone Veil, mais aussi ceux de grandes scientifiques, comme l’anthropologue Françoise Héritier, l’historienne Michelle Perrot, ou la psychanalyste Françoise Dolto


Comment avez-vous conçu la programmation ?
"Aux Archives, citoyennes !" propose pendant toute l’année scolaire et universitaire une série d’expositions, de débats, d’ateliers – en particulier des ateliers jeunes publics – et de rencontres avec des femmes autour de plusieurs thématiques : le cycle a débuté en septembre avec une rencontre-débat réunissant historiens et sociologues autour du livre L’amour en guerre qui retrace la vie d’un couple d’instituteurs séparé pendant la guerre d’Algérie et met en lumière la personnalité exceptionnelle d’Aimée Jean-Baptiste, morte en couche. Le cycle se poursuit en ce moment avec les femmes scientifiques, dans le cadre notamment de La Fête de la science à l’occasion de laquelle nous présentons l’exposition "Infinités plurielles" de la photographe Marie-Hélène Le Ny  qui réunit 145 portraits de femmes scientifiques. Afin de faire connaître le travail de ces femmes exceptionnelles, pour certaines inconnues du grand public, nous avons décidé de faire des tirages grand format d’un certain nombre de ces photographies et les avons affichés sur les grilles du site de Pierrefitte. Il s’agit d’une première et c’est une réussite. Cela change complètement l’environnement. À cette occasion, nous avons également organisé une conférence débat intitulée "On ne naît pas scientifique, on le devient",  qui a réuni de nombreuses personnalités, dont Geneviève Fraisse, autour de Marie-Hélène Le Ny, et permis de consolider les liens avec les villes de Pierrefitte, Stains et Saint-Denis.

Que pourra-t-on voir dans les prochains mois ?
En décembre, nous accueillerons l’exposition autour du thème "migrations au féminin" conçue par l’association Génériques, qui fête ses 20 ans, dont objectif est de sauvegarder et de valoriser l’histoire de l’immigration en France et en Europe. Il s’agira d’une exposition sur l’histoire des femmes dans la toute récente histoire de l’immigration. Nous continuerons ensuite avec la thématique des femmes engagées, tous milieux confondus, associatif, syndicaliste, politique… Le cycle se terminera avec la thématique "les femmes et la culture" avec d’une part une Grande collecte sur les archives de femmes au travail qui devrait voir le jour à l’horizon de juin 2018 – il s’agit là d’une préconisation du rapport de Françoise Thébaud – et, d’autre part, un focus à l’occasion de la Fête de la musique pour lequel nous sommes d’ores et déjà en contact avec la chef d’orchestre Zahia Ziouani, dont l’orchestre Divertimento est installé à Stains.


Quels sont les fonds d’archives mobilisés ?
Aux Archives nationales et dans l’ensemble du réseau des services publics d’archives, on trouve les archives versées par les institutions publiques dont certains fonds sont extraordinairement riches sur l’histoire des femmes. J’évoquais tout à l’heure l’exposition "Présumées coupables". Ces paroles de femmes émergent du temps et nous racontent des choses très personnelles, intimes et familiales. Elles sont un témoignage d’une richesse incroyable sur la société de l’époque. Mais on trouve aussi les fonds de tous les cabinets en charge des droits des femmes depuis 1981 ainsi que le fonds de Simone Veil dont on sait le rôle déterminant dans l’histoire des femmes. Les fonds d’archives privées, déposés ou donnés par des associations et des particuliers, complètent et enrichissent ces fonds d’archives publiques. On trouve notamment des archives de femmes résistantes. Je pense à Lucie Aubrac, à Geneviève De Gaulle-Anthonioz dont le fonds met aussi en lumière le rôle à ATD quart-monde et dans la loi contre l’exclusion de 1990. On trouve aussi de nombreux fonds de femmes scientifiques, ceux notamment de l’anthropologue Françoise Héritier, de l’historienne Michelle Perrot, ou encore de la psychanalyste Françoise Dolto. Enfin, des fonds de partis politiques de femmes, d’associations diverses, de femmes diplômées d’universités, de militantes des mouvements LGBT, ou encore le fonds de l’association France Libertés dont s’est occupée Danielle Mitterrand… c’est dire leur diversité.

La dimension militante d’une telle opération est aussi importante que la dimension pédagogique...
Il s’agit en effet d’une programmation qui miroite avec l’actualité du ministère de la Culture qui est engagé dans la double labellisation lutte contre les discriminations et égalité femmes/hommes. En tant que service à compétence nationale des Archives nationales, nous sommes volontaires pour participer à cette labellisation. Il y a réellement eu de la part de l’institution et de l’ensemble de ses agents une prise de conscience importante de cette dimension. Du reste, un « midi » de la culture aura lieu prochainement et verra la création d’un réseau de femmes au ministère de la Culture : « culture elles ». Ce cycle, qui fait entendre la voix des femmes, arrive à point nommé.

Archives de femmes, histoire des femmes : nouvelle édition de la Grande Collecte le 9 juin

Après l'exposition des Archives nationales consacrée aux femmes (voir l’entretien ci-dessus), le monde des archives poursuit sa « saison féminine » avec la nouvelle édition de la Grande Collecte. Lancée par le Service interministériel des archives de France (SIAF), cette opération, placée sous l’égide du ministère de la Culture, invite le public à se plonger dans ses archives familiales pour partager souvenirs et documents authentiques. Après la Première Guerre mondiale et les relations entre l’Afrique et la France, cette troisième édition, qui aura lieu samedi 9 juin, s’intéresse à toutes les femmes – femmes politiques, femmes intellectuelles ou scientifiques, femmes militantes, femmes artistes, femmes au travail, femmes dans leur quotidien, anonymes comme personnalités. Pour cela, les services d’archives se mobilisent dans plusieurs dizaines de lieux en France (Archives nationales (Paris et Pierrefitte-sur-Seine), Archives nationales du monde du travail (Roubaix), Archives départementales et municipales), permettant l’enrichissement de la mémoire collective. Après leur remise, certains documents sont numérisés puis rendus disponibles sur le site www.lagrandecollecte.fr.